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Chroniques
Des couples et un short
29/08/2015 | 16:38
4 min

Le Tunisien est un citoyen de seconde zone. Même dans son propre pays. On lui vole ses droits, on l’oblige à en pratiquer certains dans la honte et le secret et on le prend pour un demeuré en lui infligeant des contre-vérités nuisibles à l’oreille humaine.

 

Tout comme l’écrivain Khemaïes Khayyati s’est senti « traiter comme du poisson pourri » pour avoir tout bonnement réclamé son droit de citoyen de marcher sur un trottoir (en théorie réservé pour !), j’ai failli me faire éjecter comme une malpropre de mon hôtel (tous frais payés des semaines à l’avance).  Le charmant réceptionniste n’avait, ce jour-là, rien de probant sous la main pour prouver que mon époux et moi formions (légalement et aux yeux de la loi) un couple. « Apportez-moi un certificat de mariage », nous lança-t-il sans ménagement. Voilà qui est grotesque ! Il est vrai que chaque vacancier, pardon Tunisien, qui se respecte pense automatiquement à glisser dans sa valise, entre son tube de crème solaire, son maillot de bain et ses lectures estivales, un justificatif de mariage. Il est encore plus étonnant que le charmant monsieur ne nous ait demandé aucun papier pour prouver que l’enfant que nous tenions était bien le notre et que nous ne l’avions pas emprunté. Passons.

Tout ici s’avère être une question de morale. Alors que les touristes étrangers (et non arabes ou musulmans) ont le droit de réserver des suites dans les meilleurs palaces tunisiens avec leurs concubines (appelées également petites amies ou autres, au choix), les Tunisiens eux pour sauvegarder la bonne morale du pays et veiller au respect des sacro-saintes mœurs doivent justifier si leurs relations sont légales aux yeux de la loi. C’est que le concubinage est interdit en Tunisie et que dans leur grande sagesse, les hôteliers soucieux de ne pas voir des agents de police débarquer dans leurs hôtels et vérifier les chambres, sans aucun mandat de perquisition, s’y soumettent sans broncher.

 

Parlons-en de cette morale, qu’on utilise allégrement. Pas plus tard qu’il y a trois jours, la compagnie aérienne nationale a refusé de faire embarquer à bord de l’un de ses vols, deux touristes qataris accusés d’être vêtus de manière indécente. Objet du délit : un short. Ce simple vêtement avait eu le pouvoir d’indisposer le chef d’escale de la compagnie à Barcelone qui n’a pas permis aux deux passagers de monter à bord de l’avion à cause de leur tenue. Bien que cette version ait été démentie par la compagnie elle-même, qui impute cet incident aux conditions météorologiques, les deux témoins (et leur avocat) maintiennent les faits. Passons.

En plus de la morale, que les hypocrites appliquent au gré de leurs humeurs et de ce qui les arrange, en Tunisie, le consommateur est tout sauf roi et aucun égard ne lui est réservé par ceux qui sont censés le servir.

 

Des pots de yaourt périmés avant leur date limite, des produits alimentaires comportant une date de fabrication qui n’a pas encore vu le jour, des souris dans des bouteilles d’huile conservées, qu’à cela ne tienne, le Tunisien n’a pas à se plaindre. C’est un consommateur de seconde zone et il se doit de la fermer.

Le Tunisien est obligé de se taper des heures d’attente devant des guichetiers nonchalants qui n’hésitent pas à prolonger son calvaire pour passer un coup de fil ou prendre un café. Il est contraint à se faire servir par des personnes impolies qui n’hésitent pas à l’insulter et à lui faire la morale s’il fait la moindre réclamation. Il doit se heurter à des services fermés pour cause de congés, se faire traiter de noms d’oiseaux (et encore je suis gentille) s’il fait une remarque ou s’il se plaint d’un quelconque dysfonctionnement. Il doit se faire malmener par un personnel soignant qui se prend pour plus puissant que Dieu, attendre pendant des heures dans des hôpitaux frôlant la catastrophe sanitaire et, encore et encore, revenir demain.

 

Qu’on lui vole ses trottoirs, le forçant à slalomer entre les voitures, qu’on l’oblige à consommer des  produits impropres à la consommation, qu’on lui serve des plats nauséabonds, mal cuits, mal présentés et qu’on le traite comme un malpropre alors qu’il paye le service. Peu importe. Le Tunisien n’a pas droit à un « service », cette notion ne veut rien dire chez nous. Il s’agit d’un cousin éloigné des OVNIS qui n’a été que vaguement aperçu sous nos cieux.

Mais ne mettons pas tout de suite tout ça sur le dos de cette (pauvre) révolution. Ces pratiques étaient déjà bien courantes en Tunisie pendant l’ère dictatoriale. Il s’agit d’une continuité, certes exacerbée par un nouveau cadre, mais qu'on ne connait que trop bien. Un nouveau cadre du tout permis, qui n'a que faire du respect des lois, du moins celles qui n'arragent pas. Un nouveau cadre qui fait du Tunisien le dernier des moins que rien...

29/08/2015 | 16:38
4 min
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Commentaires (48)

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les chevaux de l'apocalypse
| 11-10-2015 20:53
ce qui me tue moi le tunisien qui ne vaut rien c'est que chaque fois j'arrive a tunis-carthage je dois montrer mon passeport tunisien a la police...oui c'est tres normal,mais alors pourquoi leDIEU europeen utlise une carte d'identite pour passer ce port d'entree???
HMMMM....LE tunisien traite UN tunisien avec mepris et mefiance...end of the story

sirius/39
| 01-09-2015 13:33
Nous vivons la pleine démoCRASSIE

Malta Zrira
| 01-09-2015 03:08
Madame, les origines de ce comportement viennent en partie du mélange loi/religion, du fait que le "vous" n'existe pas en arabe et surtout que la Tunisie ait été une province ottomane pendant des siècles.

La paperasse envahissante = origine ottomane,
le flicage = origine ottomane, (surveillance de la Régence)
le mépris de l"indigène affiché par l'administration du pays = origine ottomane, (eux sont blancs, pas les autres)
les courbettes devant l'étranger = origine ottomane,
la sur-administration du pays = origine ottomane (collecte des taxes)
la consonnance péjorative donnée au préfixe ou suffixe "arbi" = origine ottomane ( ex route arbi = piste, chaise arbi = tabouret etc.)

Malheureusement à vouloir sans arrêt réécrire l'histoire de la Tunisie "sensée" avoir toujours été arabo-musulmane, on ne comprend pas l'origine des dérives de comportement et on ne peut plus les corriger.

Gg
| 31-08-2015 21:30
Je te suis bien (merci pour le tutoiement). Mais tu sais, ça fait peur d'être réveillé a 2h du matin par ta petite femme adorée, apeurée, qui te passe la police dans le but de vérifier que ce n'est pas une p..e.
J'ai eu peur de cette police, et elle encore plus que moi!
Le lendemain j'ai pris l'avion, et l'ai rejointe. Nous sommes allés ensemble à ce poste de police demander des comptes. Je voulais que ma femme porte plainte, car on lui avait passé les menottes, elle avait les poignets bleus.
Et j'ai eu peur qu'ils la... enfin bref, tu vois ce que je veux dire.
Mais rassure toi, elle n'a pas changé, elle est toujours aussi rebelle! Et ensemble, nous ne cédons jamais.

1/3i
| 31-08-2015 19:56
j'aime bien votre façon d'écrire, de communiquer, d'aborder les choses...

Mais là.. je vais (permets moi de te tutoyer) t"engueuler, te tirer les oreilles..

Tu marches dans le système, tu joue leur jeu...

Depuis suffisamment longtemps, j'ai décidé que je ne marcherai jamais dans leurs combines.. Aussi bien un hotelier, qu'un policier !!

JAMAIS...

Il m'est arrivé plusieurs fois de EFUSER? en criant sur les policiers, de présenter mes paiers. certes, en tant que français, c'est bien plus facile.

Mais à chaque fois, c'était suite à des comportement de personnes sur la route, ou dans la rue, et qui se permettaient de m'insulter, menacer, devant ces policiers, après une altercation. Et que ces policiers me demandaient à moi, mais pas à l'autre..

Eh ben, devine, les policiers se retrouvent dans une situation très périlleuse..

- Quoi, vous osez me demander mes paiers, et cette prsonne qui m'insulte, et me menace devant vous, vous ne lui dites rien ??
alors il HORS de question que je vous présente mes papiers.
Maintenant, si vous devez m'emmener au poste, pas de soucis.

Nous pouvons nous permettre de leur apprendre à respecter l'usager.; et cela pourra peut être servir à l'avenir pour d'autres.

Mais il sera toujours hors de question qu'un détenteur d'autorité en tunisie, se permette en mon endroit d'utiliser de méthodes inacceptables !!

Si je suis ne tort, là c'est différent.... je me plie à la loi.

Hanni2
| 31-08-2015 15:40
D'ailleurs j'adore faire semblant de ne pas parler l'arabe et de réprimander en français le serveur qui m'a ostensiblement ignoré pendant 45 minutes parce que pas assez "touriste" à son goût...un petit plaisir mesquin mais le seul à ma portée pour passer mes nerfs...;)

Tlskzb
| 31-08-2015 09:58
Madame,

Lancez une pétition en ligne sur le manque de respect de la vie privée des gens en Tunisie, et vous aurez des milliers de signatures.

Bien à vous.

wlidha
| 31-08-2015 08:31
Tout le monde sait que la prostituion dans notre pays est en pleine exapnsion malheureusement , la tunisie destination de ^premier choix des libyens et algeriens et certains vieux europeens ne voiant pas la face avec la protection de certains chercheurs de liberte individuelle , cette demarche qu a pris certains hotels pour ne pas ouvrir les portes a cet esclavagisme sexuel de luxe , mais encore faudra t il ne pas demander des preuves a tout le mpionde de maniere systematique un receptionniste peut faire la part entre des maries avec ou sans enfants et autres categories de femmes et hommes ...

Fares
| 31-08-2015 03:15
Je suis tout à fait d'accord avec vous en ce qui concerne la situation courante du pays. Par contre, je me réjouis du départ de zaba et de sa bande d'affamés.

Les tunisiens ont été frappé de plein fouet avec la Démocratie, et ils ne savent pas vraiment quoi en faire.

Fares
| 31-08-2015 03:08
Une histoire bien triste, moi qui pensait passer les prochaines vacances estivales avec ma concubine dans un hôtel tunisien (:

Demander un contrat de mariage à un couple dans un hôtel est un comportement d'un autre âge.

L'anarchie a gagné tout le pays, mais pas au point de permettre à 2 adultes consentants de dormir dans un même lit?

Hypocrisie religieuse et complexes de toute sorte envers le sexe opposé.