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Chroniques
De la clarté, encore et toujours !
13/10/2016 | 15:59
5 min

 Par Houcine Ben Achour*

 

Franchement, on commençait à s’impatienter. Car, ce n’est qu’à quelques jours du 15 octobre, date butoir de dépôt du projet de Loi de finances par le gouvernement, qu’une note officielle est publiée présentant les mesures fiscales contenues dans le projet de Loi de finances pour l’exercice 2017. Cette attente serait-elle récompensée ? En tout cas, le document est d’une rare rigueur et clarté. Toutefois, il n’échappera pas à la critique, quand bien même la charge de sacrifices que devront consentir les Tunisiens est, globalement, judicieusement répartie.

 

Pour la première fois, la pression sur la fiscalité du capital sera plus importante que celle pesant sur la fiscalité du travail. Quant à la « contribution exceptionnelle », tout le monde est mis à contribution en tenant compte, toutefois, des moyens de chacun.

 

Plus encore, le gouvernement  Chahed ose ce que le gouvernement Essid n’a pas osé : récupérer le manque à gagner pour l’Etat du relèvement de 1500 dinars à 5000 dinars de la tranche de revenu totalement exonéré de l’impôt sur le revenu par une juste répartition de cette charge sur les revenus équivalents à un salaire net mensuel supérieur à 1400 dinars. Cette surcharge fiscale varierait entre un dinar par mois pour le salaire mensuel net précité, et une vingtaine de dinars par mois pour un salaire net mensuel de plus de 2150 dinars. Tandis que, parallèlement, un très large pan de personnes à rémunération modeste bénéficierait d’un revenu supplémentaire substantiel qui dépasse les 40 dinars par mois pour un salaire mensuel net d’environ 500 dinars.

 

Pour le gouvernement, il est préférable de préserver le pouvoir d’achat, particulièrement des plus démunis, par un allègement de leurs charges fiscales directes que par des augmentations de salaires comme le revendique l’UGTT. Augmentations qui, vu l’état des finances publiques, ne pourraient être satisfaites qu’en utilisant la planche à billets.

 

L’argument a-t-il été utilisé par le gouvernement, lundi dernier, lors de la réunion du chef du gouvernement et de la ministre des Finances avec le secrétaire général et les membres du Bureau exécutif de l’UGTT ? L’hypothèse est plausible compte tenu de la décision prise de réunir les experts des deux parties, afin « d’examiner avec précision les chiffres fournis par le gouvernement » et, le cas échéant, « parvenir à un accord définitif », a déclaré au quotidien La Presse, Mouldi Jendoubi, secrétaire général adjoint de l’UGTT, suite à cette rencontre.

 

Il est clair que le gouvernement veut jouer jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à la date fatidique du 15 octobre, la carte du dialogue et de la concertation pour convaincre les dirigeants de la centrale syndicale historique de l’impératif du gel des salaires en 2017 d’abord, et de sa prorogation jusqu’en 2019, si la situation économique et financière du pays ne s’améliore pas.

 

En effet, la contrainte du pouvoir d’achat ne peut occulter les autres contraintes du gouvernement. Celles de l’endettement, du déséquilibre périlleux des finances publiques, de l’investissement, de l’emploi et du développement des régions à besoins spécifiques que le projet de Loi de finances 2017 tente également de lever du mieux qu’il peut.

 

A ce stade, il aurait été heureux que le gouvernement publiât dans le même temps, d’une part le projet de budget général de l’Etat qui fixe en détail les ressources et les dépenses du gouvernement et, d’autre part, le projet de budget économique qui établit les prévisions/objectifs socioéconomiques du pays. De quoi permettre de mesurer le degré de cohérence entre ces trois composantes que sont la Loi de finances, le budget de l’Etat et le budget économique. Malheureusement, il n’en est rien.

 

Certes, une note sur « les premiers éléments du budget économique 2017 » a été élaborée. Datant du mois d’août 2016, elle engageait le gouvernement Habib Essid. Le document prévoit en effet, un taux de croissance de 3%, un revenu disponible brut par habitant de 9375 dinars contre 8640 dinars en 2016, un taux d’investissement de 20,4% du PIB à la faveur d’un accroissement du volume d’investissement de 10,5% en 2017, une évolution des exportations de 6,5% contre 1,2% en 2016 et une inflation contenue à 3,7%.

 

 Le gouvernement de Youssef Chahed fera-t-il siennes ces prévisions ou se rangera-t-il à l’avis du FMI qui a revu à la baisse les perspectives économiques de la Tunisie en 2017, raison pour laquelle, peut être,  il tarde encore à publier le budget économique et se donne le temps pour peaufiner davantage le projet de budget de l’Etat ? On le saura la semaine prochaine, probablement.  

 

En attendant, le gouvernement gagnerait à améliorer davantage sa communication en termes de solidité et de solidarité. Il en a le potentiel. Le document de présentation du projet de Loi de finances 2017 en est une illustration. A cet égard, les membres du gouvernement pourraient être appelés à éclairer l’opinion publique sur leur programme d’actions pour l’année prochaine. Autrement dit, à quoi va servir le budget qui leur est alloué. Le démarrage du marathon budgétaire est une opportunité qui s’offre pour donner la mesure d’une part, de leur compétence et transparence dans l’affectation des deniers publics et, d’autre part, de leur solidarité sur les choix de politique économique du gouvernement. Car, ces choix transcendent les clivages politiques et idéologiques et n’ont d’autres objectifs que la stabilisation du cadre macroéconomique et la mise en place de nouveaux ressorts à la croissance économique.

 

Sur tout cela, et d’autres encore, faudra-t-il patienter jusqu’à la déclaration du chef du gouvernement inaugurant les débats en séance plénière des projets de budget de l’Etat et de Loi de finances, pour que les ministres plaident la cohérence entre  les choix de leurs départements respectifs et les objectifs économiques globaux du gouvernement ? Là, seul Youssef Chahed peut trancher.

 

*Houcine Ben Achour est journaliste spécialisé en économie et finances, ancien rédacteur en chef au quotidien "Le Renouveau". Il a participé à la création de l'hebdomadaire d'information économique et financière "Éco Journal", dont il sera rédacteur en chef. Actuellement, il est consultant en communication et entame une chronique hebdomadaire sur les colonnes de Business News.

13/10/2016 | 15:59
5 min
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Commentaires (6)

Commenter

aoc
| 14-10-2016 08:24
Une bonne idée ça, demander une loi des finances ET tout le reste en même temps pour pouvoir en juger en totalité. Sauf : Si on veut une loi bien élaborée avec des chiffres qui tiennent debout, cela ne s'improvise pas. Donnons au gouvernement le temps qu'il faut pour travailler correctement. Le début va déjà dans une direction qui peut annoncer un changement dans le bon sens. Soyons attentifs à la suite.

nazou
| 13-10-2016 23:05
Bienvenue à votre nouveau chroniqueur !
Il est clair précis sans parti-pris, pas d'angélisme mais pas non plus alarmiste !

Enfin quelqu'un de neutre !

DHEJ
| 13-10-2016 18:59
La clarté demandée doit être donnée

Pas de Supposer connu de tous ...


Alors net de quoi:


Impôt direct

Impôt indirect

Charge patronale ...


Merci à notre expert

Letranger
| 13-10-2016 18:32
"...de personnes à rémunération modeste bénéficierait d'un revenu supplémentaire substantiel qui dépasse les 40 dinars par mois..."
>>> 40 Dinars par mois qualifié de "revenu supplémentaire substentiel" faut oser...

Pour DHEJ :"Salaire mensuel net", ça veut dire, pour simplifier, ce que reçoit le salarié, en comparaison avec "salaire mensuel brut" qui inclut les charges sociales et autres retenues éventuelles du salarié.

Mais dis moi, t'as pas de fiche de paie à ta disposition, tu n'es ni salarié ni employeur ?

kol
| 13-10-2016 18:26
Houcine Ben Acchour est expert en effet de part sa formation d'economiste a Paris 5 et de sa longue carriere en tant que journaliste economique (depuis 1991~92)
Par ailleurs, son article est tres clair et definir un salaire brut ou net, je pense qu'on sait tous ce que cela veut dire.

@HBA
le probleme du pays est moins dans la communication et plus dans l'ideologie: le socialisme n'a pas marche et pourtant on se l'impose encore en Tunisie. L'UGTT parti prenante dans l'elaboration d'un budget: une aberration.
Ce n'est pas la communication qui a failli en Tunisie mais une reforme de fond: aux grands maux les grands remedes et si personne ne s'y atele, on ne fera que "push the can down the road" comme disent les anglais, ie faire demain ce que l'on porrait plutot faire aujourd'hui....
a bon entendeur...

DHEJ
| 13-10-2016 16:12
Qu'il me définisse ce qu'il dit:

Un salaire mensuel net de 500 dinars?


Net de quoi?