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Culture : la Cité de la discorde !
20/02/2018 | 20:00
6 min
Culture : la Cité de la discorde !

 

Idée lancée en 1994 en grande pompe par l’ancien président de la République Zine el Abidine Ben Ali, la Cité de la Culture a failli ne jamais voir le jour faute à un  processus de construction particulièrement long,  émané en plus de retards et de suspicions sur fond de retro commissions autour de la société tchèque (Geosan Group) réalisatrice des travaux. Relancé en 2015, le projet devrait être officiellement inauguré en mars 2018. Entre temps, les artistes semblent divisés sur la nécessité de centraliser la culture en un seul lieu, en plus des critiques qui pleuvent sur l’architecture choisie…

 

 

« On dirait un centre commercial à Dubaï !  », « Culture Mall », « Quel beau projet ce centre inspiré de la culture dubaiote seule vraie culture du monde arabe !  ». Depuis la publication par le ministère des Affaires culturelles d’une vidéo montrant les contours de la tant attendue Cité de la Culture, les  langues des artistes se délient  sur les choix architecturaux de ce nouvel emblème de la culture en Tunisie. En témoigne ces phrases citées ci-dessus, signées respectivement par le cinéaste  tunisien Nejib  Belkhadhi et la réalisatrice Amel Guellaty.

Il faut dire que le projet a mis du temps pour être réalisé, beaucoup de temps même, au point de susciter de grandes attentes de la part des artistes et des acteurs du secteur, qui en espéraient mont et merveille.

 

Les travaux de construction de la Cité de la culture, entamés en 2006 ont été programmés pour 3 ans avec une ouverture prévue en 2009. Sauf que la réalisation de cet édifice s’est révélée être bien plus compliquée que prévu pour plusieurs raisons.

D’abord, la nature du sol et l’envergure du bâtiment ont obligé les responsables tunisiens à mettre en place des fondations en profondeur avec un béton spécial. Autre problème, la société tchèque spécialiste de BTP Geosan Group, qui a remporté l’appel d’offres découvre que les prix réels de la construction dépassent les montants prévus lors de la signature du contrat avec les autorités tunisiennes.

Pour expliquer cet écart, des spécialistes pointent du doigt des études mal ficelées qui ont conduit à des évaluations des prix erronées. Officieusement,  des soupçons de retro commissions pèseraient sur l’attribution de ce marché à cette société. Toujours est-il que le projet prend du retard, et la révolution de janvier 2011 n’arrange pas les choses.

 

 

Déterminé à terminer les travaux qui ont eu un coût bien plus important que prévu (125 millions de dinars au final selon les déclarations de Youssef Chahed le 20 octobre 2017), le gouvernement procède  en 2015 à un nouvel appel d’offres pour parachever les travaux. Finalement,  la Cité de la culture devrait être officiellement inaugurée par le président de la République et le chef du gouvernement le 20 mars 2018 selon les déclarations du ministre des affaires culturelles Mohamed Zine el Abidine le 12 février 2018.

Preuve de l’approche de la date, son département a commencé à faire du Teasing pour l’ouverture de ce haut lieu de la culture. Une vidéo et des photos présentant les contours de la Cité de la Culture ont été  publiées sur la page officielle du ministère, ce qui n’a pas manqué de soulever des critiques de plusieurs artistes et hommes et femmes de la culture. Sont mises en cause l’aspect centre commercial, l’absence du côté traditionnel tunisien  et un goût prononcé pour le luxe.

 

 

Neila Driss, critique cinéma a abondé dans ce sens dans une déclaration à Business News : « L'architecture n'est pas vraiment belle. Elle fait trop complexe commercial. C'est dommage, on aurait pu avoir quelque chose de plus authentique, de plus tunisien, et surtout ayant une âme. Je dirai même qu’elle est froide, faite de  verre et  béton.... »

Même son de cloche chez Sahar  El Echi, jeune réalisatrice tunisienne qui considère  que l’architecture de la Cité de la culture  ressemble « à un centre commercial ou un mall luxueux à Qatar ou Dubaï c'est tout sauf une cité de culture ! C’est un kitsch dans toute sa splendeur de la Tunisie post révolution.  Le bâtiment  n'est pas digne d'un pays dans lequel s'est faite une révolution, alors que normalement cela doit être un monument historique qui bouleverse  des normes culturelles d’antan…Cette enseigne devait être le symbole d’une révolution culturelle or c’est totalement l’inverse ! ».

 

 

 

Pourtant, certains observateurs estiment qu’en dépit de toutes les critiques que l’on peut tenir à l’encontre de la nouvelle Cité de la culture, elle reste une fierté pour les Tunisiens. C’est le cas du journaliste culturel Khémaies Khayati qui considère que «  la Tunisie a besoin actuellement d’un grand centre culturel », « le bâtiment existe, à nous maintenant de l’utiliser à bon escient pour faire en sorte que les Tunisiens y passent des journées entières comme ce qui se fait à l’étranger »  a souligné  le journaliste qui se félicite d’ailleurs de la création au sein même de la Cité de la Culture de la première médiathèque publique  d’envergure en Tunisie. Pour Khémaiess Khayati, les critiques sur le côté luxueux de l’édifice ont déjà été formulées lors de la construction du Louvre et du centre Pompidou (situé sur la célèbre place Beaubourg) à Paris. Il estime sur ce sujet  que «  le luxe n’est pas un tort quand on parle de culture ».

De son côté, Chokri Latif acteur culturel et membre de la Ligue des écrivains libres s’est dit en faveur d’un déplacement du débat de la forme vers le fonds : « Ce qui est primordial pour nous au-delà des querelles sur le volet architectural de la Cité de la Culture, cest que cet espace consacre la liberté de création pour les artistes et rompt avec la tutelle administrative exercée sur la culture depuis l’indépendance ! C’est à l’aune de l’ouverture de cet espace aux jeunes artistes venus de divers horizons, de la liberté accordée aux professionnels du secteur et de la levée de la mainmise des autorités sur notre champ d’action que nous jugerons cet espace » a-t-il déclaré avant d’ajouter que l’Etat n’a fait qu’honorer une partie de sa dette envers la culture en mettant en place cet édifice : « Il est même honteux que nous ayons dû attendre 60 ans pour avoir un centre répondant aux standards internationaux » a-t-il affirmé.

 

Abstraction faite des opinions des uns et des autres sur le choix de l’architecture de l’édifice, les observateurs sont unanimes pour saluer la modernité des infrastructures et du matériel dans la Cité de la Culture. En effet, l’espace qui couvre 49 000 mètres carrés couverts comprend un théâtre, une cinémathèque, un Centre national du livre et de la création, un Centre national du cinéma et de l’image, des studios de production, trois salles de spectacles, une salle d’opéra ainsi qu’un musée national des arts plastiques modernes et contemporains. Du jamais vu dans l’histoire de la Tunisie !

Toutefois, les spécialistes mettent en garde contre le préjudice que pourraient subir les autres maisons de culture à cause d’une attention (financière) accrue apportée à la Cité de la Culture, d’où l’apparition de  certaines voix qui sont contre la présence même de cette cité et qui auraient préféré que les montants alloués soient répartis sur les maisons de culture dans tout le territoire tunisien…

 

 

Nessim Ben Gharbia

20/02/2018 | 20:00
6 min
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Commentaires (13)

Commenter

URMAX
| 28-02-2018 08:46
... quelqu'un de cultivé aurait - avec ces 125.000.000 DT - fait construire 24 centres culturels (un dans chaque gouvernorat) et de conceptions bien plus modestes et les aurait doté d'oeuvres riches en contenu artistique, scientifiques, etc ... Mauvaise conception des choses : centraliser l'accès à la culture - concept archaïque favorisant l'exode rural sans enrichir - culturellement parlant - l'intérieur de notre Nation. C'est la culture qui doit aller vers le citoyen ; pas l'inverse. Faites-en un observatoire (!!!) si vous voulez, mais certainement pas "une cité de la culture" ! ... Encore un truc que "Monsieur" avait trouvé pour se montrer en grandeurs ... Sic ! ... URMAX

Allala
| 22-02-2018 08:41
Ce n'est pas jouer les Cassandre qu'annoncer que ce projet est voué soit à un échec dans les plus brefs délais soit à devenir un gouffre financier qui va grever le budget du ministère de la Culture. En effet, projet mégalomaniaque décidé au temps de Ben Ali, il a trainé plus de 10 ans pour ouvrir ces portes et a vu son budget évoluer selon une courbe exponentielle sous le regard complice de Mohamed Zinelabide pendant la phase du début et la phase de la fin. Projet excentré, il ne va attirer que ceux ayant des moyens de locomotion appartenant à la classe moyenne ; des gens versatiles qui vont par curiosité remplir le lieu puis il vont s'en défaire. Le pays aura sur les bras un projet budgétivore voué aux souffles des vents.

citoyen artiste
| 21-02-2018 22:57
Corrigez:l'dée de construire la cité de la culture datait de 1990 Moncer Rouissi avait formé une commission dont la mission était de définir les grandes lignes du projet en tenant compte des grandes réalisations dans le genre dans le Monde : Dar el Opéra au Caire,l'Opéra HOUSE de Sidney ,le Victorian Art Center à Melbourne, le Kennedy Art Center à New York ,le Power House Museum de Sidney, le Théâtre National à Tokyo...
Toutes ces belles realisations visitées analysées avaient, de commun , sauf le cas Egyptien,une stratégie qui associait des pôles de la Création
dans le Pays . Dans le cas où ces pôles n'existaient pas les Pouvoirs Publics ,les Collectivités créeraient ces pôles il arrivait, souvent qu'on compare les Méga Espaces à des
Porte-avions qui , seraient rien sans soumarins
sans cuirassés sans fvedettes sans torpilleurs sans hélicoptères sans avions sans sans...Une coquille vide !....
Remarque:deux grands pôles avaient été retenus
avec des budgets conséquents et puis PLUS RIEN plus rien !....

Zohra
| 21-02-2018 19:31
Bonsoir Monsieur,

Le problème dans ce pays aujourd'hui, les critiques négatives sont devenus monnaie courante, on n'est plus objectif. Dans notre société cartésienne qui fait de la pensée la condition sine qua non de l'existence, nous sommes appelés à utiliser notre sens critique. Mais pour certains, cet exercice de l'esprit est devenu une manie : ils assènent des jugements à longueur de journée, "tirent sur tout ce qui bouge". Pourquoi cette hargne ?

Bonne soirée

aliocha
| 21-02-2018 15:58
il faut dès à présent penser à la gestion de cette gigantesque cité et ne pas laisser le ministère de culture faire ce qu'il veut, il faut associer les professionnels et faire appels aux privés compétents où ils se trouvent!
l'architecture est hélas le résultat des concours qui ont été réalisés et qui étaient très contestés!

citoyen artiste
| 21-02-2018 15:37
on esquive le vrai problème:quelle Culture, quel rôle, quel objectif ,quelles compétences pour piloter ce grand cuirassé et le conduire à bon port
Décidément on voit petit on préfere un raffiot pour une culture au rabais IL FAUT VOIR GRAND !
Il faut chercher hommes et femmes de grand calibre pour aller de l'l'avant avec assurance et détermination
Seule la créativité de haut niveau et le parrainage de grands projets artistiques sont de mise pour
donner de l'étoffe et du sens à cette grande usine à fabriquer des rêves magnifiques dans
DES DIMENSIONS ET VALEURS UNIVERSELLES
La Cité n'est pas une grande maison de la culture c'est une pensée d'epicier .ELLE EST
PASSERELLE POUR LE DIALOGUE DES CULTURES ET A TRAVERS LA RENCONTRE
PRODUCTIVE ENTRE LES CREATEURS TUNISIENS ET LEURS PAIRS DANS LE MONDE

Helios
| 21-02-2018 15:05
Voilà que le projet présidentiel de Ben Ali se concrétise avec un rayon de splendeur. La cité de la culture pour un champ d'action moderne, luxueux et plein d'espoir pour la promotion des jeunes artistes et l'accroissement d'activités socioculturelles oeuvrant pour le développement du pays.

Mohamed 1
| 21-02-2018 13:42
C'est inévitable. Il faut toujours, quelque soit la grandeur et la beauté de la réalisation, que les voix discordantes se fassent entendre. Une manière d'exister. La Tour Eiffel n'a-t-elle pas été durement attaquée au moment de sa construction. Il faut juste ignorer.

Mozart
| 21-02-2018 12:51
Félicitation, voila des projets modernes, solides et qui nous rapproche des Romains,et peux-importe la critique.

jilani
| 21-02-2018 11:07
A l'époque en 2009 le ministère a confié le développement de ses applications informatiques en langue arabe à des grecs. Ils ont pris les avances et sont partis sans rien laisser bien sûr avec toutes les commissions distribuées au directeur informatique et chef de projet et pas étonnant au ministre ...