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Chroniques
Ces Tunisiens qui votent Le Pen
25/04/2017 | 15:59
4 min

 

Impossible de faire l’impasse cette semaine sur l’élection française et le premier tour de la présidentielle. Les amateurs des théories de la « France colonisatrice » qui « parasite encore notre culture », passeront leur tour. Pour tous les autres, il y a Macron.

Ce jeune candidat qui fait face aujourd’hui, au deuxième tour, au mastodonte très controversé, Marine Le Pen, intrigue. Son passage, dimanche, avec 24% des votes prouve qu’il n’est pas seulement « l’hologramme » dont il a été qualifié par ses détracteurs. Le candidat est bien réel et il est invraisemblablement sérieux. Celui qui, il n’y a pas si longtemps, était un illustre inconnu n’est désormais plus cette « bulle spéculative », cette « montgolfière poussée à l'air chaud des médias », ce « mirage », cette « imposture », ce « monsieur X ».

Le « Californian dream » français est tout compte fait bien réel et il n’a jamais été aussi près de se réaliser. Mais ceci n’est pas une surprise, Emmanuel Macron a été propulsé là où il est par des médias qui ont, pendant des mois, fait sa campagne. Leur crédo : impossible de soutenir une candidate comme Marine Le Pen, ou encore un François Fillon dans la tourmente jusqu’au bout.

 

Un scénario qui nous fait penser à celui des New Yorkais qui étaient restés scotchés, dans la nuit du 6 novembre 2016, à Times Square, à des écrans géants censés annoncer la victoire de Hillary Clinton au scrutin présidentiel. A la place, ce sera Donald Trump qui fêtera sa victoire. Déception générale ? En tout cas, pas pour les milliers qui ont voté pour lui.

Voter pour un candidat aussi imprévisible, grossier et inexpérimenté que Donald Trump dérangerait les masses. Tout comme donner sa voix pour la raciste et xénophobe Marine Le Pen peut choquer. Mais la vérité est bien moins binaire que ce qu’on croit.

Si les médias américains ont tous, ou presque, soutenu la candidate Clinton, ceux français se sont acharnés contre Marine Le Pen. Au final, seule l’influence médiatique française a porté. Mais ces victoires, même si elles ont mis la lumière sur le réel rôle des médias dans une campagne électorale, n’ont certes pas été volées. Autant l’outsider Donald Trump que le très jeune Emmanuel Macron ont pris des risques. Risques calculés et qui ont très bien donné leurs fruits.

 

L’offre nouvelle séduit. Mais l’offre nouvelle gêne aussi et n’est pas prise au sérieux. Tout comme Macron qui a été raillé par la classe politique, Donald Trump a aussi été dénigré par les politiques et les médias. Mais cette offre est visiblement tout ce que les masses réclament. A l’image du scrutin présidentiel américain de 2016, celui français réservera bien des surprises. Si Macron séduit, la candidate du FN a aussi toutes ses chances et bien plus encore. Macron a su se faire une place sur les cadavres du parti Les Républicains et du Parti Socialiste. Les deux ont été éliminés en beauté. Mais Le Pen bénéficie aujourd’hui d’un climat plus que jamais à son avantage. Les attentats terroristes à répétition, le Brexit, la crise des migrants, mais aussi la victoire du républicain Trump servent tous ses arguments de campagne.

249 Français de Tunisie ont voté pour Marine Le Pen, soit 3,31% des voix. Un score certes dérisoire, mais qui étonne…ou pas. Les discours populistes de la candidate du FN sont plus que jamais proches de la réalité de ceux qu’on tient tous les jours chez nous…toutes proportions gardées. Des slogans régionalistes, racistes, adeptes d’une sécurité prioritaire à la liberté, qui demandent à ce que leurs revendications soient satisfaites tout de suite, sans se donner les moyens d’attendre et de travailler pour.

 

Les électeurs ont besoin de plus, de plus que ce qu’ils côtoient tous les jours. Lorsque le système échoue à leur garantir la vie dont ils rêvent, la solution est simple, il faut aller voir ailleurs. En sera-t-il de même en Tunisie ? Avec deux partis au pouvoir qu’on ne présente plus mais qu’on n’a même plus besoin de dénigrer puisqu’ils le font eux-mêmes. Que choisir entre Ennahdha ou Nidaa Tounes au prochain scrutin électoral ? La question semble comique pour certains.

 

Les élections législatives et la présidentielle, ce n’est pas encore pour demain en Tunisie. Mais les campagnes avancent déjà à petits pas. Tout comme en 2014, les Tunisiens, enfin nombre d’entre eux, se sont retrouvés acculés à la lourde tâche de choisir entre le Destourien Béji Caïd Essebsi, représentant d’un ancien système dont on ne veut plus, et le loufoque Moncef Marzouki, qui aurait sa place n’importe où ailleurs que dans une présidence. Idem du côté des Américains qui ont été obligés de choisir le moins mauvais. Pour beaucoup, ce sera pareil pour les Français aussi. Le vote utile, est-ce ça la solution de demain ?

25/04/2017 | 15:59
4 min
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Commentaires (37)

Commenter

Gg
| 27-04-2017 12:55
J'autorise BN à te communiquer mon email.
Je ne peux le donner ici, tu comprends bien... hHHHhhhh

Épicure
| 27-04-2017 12:33
Merci Gg pour ta clairvoyance, ton intelligence et ta tolérance.
Je partage tout ce que tu as dit sans aucune réserve.
Merci d'avoir répondu à el manchou à ma place.
Il faudrait que je me débrouille pour me procurer ton adresse mail ou ton compte fb.

ombrax
| 27-04-2017 12:03
Mme sinda,
en français l'expression plus pire et moins pire n'existe pas. révise ton avant dernière phrase.
On dit plus mauvais ou moins mauvais.
respectueusement


B.N : Merci d'avoir attiré notre attention

Gg
| 27-04-2017 10:51
... j'ai écrit ce tout petit texte, suite à l'appel argumenté de l'excellent Alain Juppé à voter Macron.
Il a beaucoup de succès, je vous le livre:

Voter Macron... Bien sûr.
Je me souviens, lorsque ma grand mère est partie en 1986, peu de temps avant sa mort, elle m'avait dit :"Je viens de vivre la plus longue période paix de ma vie".
Je pense aussi à ma petite femme tunisienne, la première fois que je l'ai emmenée boire une bière en Allemagne, elle m'a demandé :
"Mais on est en Allemagne?"
"Oui, chat!"
"Mais il n'y a pas de douane, pas de police?"
"Ben non, nous sommes en Europe!"
Je pense aussi qu'elle sort juste de l'hôpital, où elle a été soignée durant deux semaines d'une grave infection... on l'a soignée avant de lui demander d'où elle venait.
Je pense à mon voisin, qui tient une petite boîte de je ne sais quoi, et qui vend ses trucs en Italie et en Allemagne, il les envoie dans ces pays comme il les envoie à Marseille.
Je pense à tous ces jeunes étrangers dans nos écoles, qui fondent un monde plus fraternel grâce au programme Erasmus.
Je pense aussi à l'envie que je vois chez mes interlocuteurs à deux heures d'avion de chez nous, lorsque je dis que nous vivons en Europe.
J'admire les fusées qui partent de Kourou, les Airbus qui taillent le ciel et le croupion de Boeing... qui n'existeraient pas si la France devait les construire seule.

Oh je pourrais écrire des pages comme cela, mais la conclusion est que si ce monde là peut encore durer, et même s'améliorer, grâce à un homme assez fou pour construire un parti en un an et assez fort pour rester sur ces rails et tourner les aiguillages dans le bon sens, alors je ne vais pas laisser passer cette chance.
Le retour en arrière... pas encore, non, pas encore! Jamais, j'espère. C'est ce que Monsieur Juppé nous conseille.

Gg
| 27-04-2017 10:43
Cela me dérange un peu de parler de la politique française dans un journal tunisien, mais puisque c'est le sujet, je me permets de donner suite à votre commentaire.

"Macron est un banquier de chez Rotschild"
Il y a travaillé, oui. Et c'est bien, car peut-on être président de la république si on ne connaît pas les rouages de la haute finance?
De plus, Macron n'est pas riche, beaucoup moins que Le Pen dont la famille est trrrrès riche.

"un énarque marié à une mamie"
Une mamie??? ... de toutes façons, sa vie privée ne nous regarde pas.

"c'est un pur produit de l'oligarchie médiatico-financière."
Il la connaît. Ce qu'il va faire de ses connaissances est le plus important!

"... Marine va y contribuer en :
- mettant fin aux travailleurs détachés donc plus de travail pour les Français"
Ce serait une erreur, il y a plus de travailleurs français détachés à l'étranger que d'étrangers en France.
Ce qu'il faut, c'est contrôler les règles de ces échanges. Macron s'y est engagé.


"- expulsant les fichés S étrangers donc moins d'attentats et donc moins de sitgmatisation, racisme, islamophobie."
Pour les non français, c'est déjà en train de se mettre en place, (trop) doucement.
Le vrai problème est celui des fichés S français, pour eux Le Pen sera contrainte de faire avec et de trouver des solutions.

"- expulsant les imams de la haine"
C'est en cours. Durant ces 18 derniers mois, 130 lieux de culte, souvent sauvages, ont été fermés et leur pseudo imams expulsés.

"arrêter le financement qataro-wahhabite des mosquées"
Macron s'est engagé à revoir la question.


"- sortant de l'UE et en arrêtant de payer inutilement pour les pays de l'est. "
Quelle erreur ce serait, l'UE est le plus gros client et fournisseur de la France. Faciliter les échanges est non pas nécessaire, mais vital.
Imaginez vous, si on ferme nos frontières, que les autres vont nous laisser les leurs ouvertes?

Il faut impulser l'Europe vers plus d'harmonisation sociale et fiscale. Macron dit vouloir agir dans ce sens, et les instances européennes y sont prêtes aussi, car on sent le vent des boulets ces derniers temps, il est temps d'agir.
J'y crois!

Gg
| 27-04-2017 10:13
Oh la belle réponse! Merci à vous, alors je réponds sincèrement.
C'est qu'il y a des liens entre les deux pays, que l'histoire commune a tissés, qu'on le veuille ou non, nos cultures sont mélangées.
Pourquoi ma femme a t-elle eu cet élan vers un français? Pourquoi la culture française l'attire t-elle, et pas une autre? Et de mon côté, pourquoi m'a t-elle scotché? Pourquoi 700.000 tunisiens vivent ils en France, et pourquoi la France les accepte t-elle avec plaisir lorsqu'ils la respectent?
Parce qu'il y a des liens. Parfois des liens d'amour-haine, mais ce sont les deux faces d'un même sentiment.
Et franchement, j'ai envie que ça dure...
Bien amicalement

Nephentes
| 27-04-2017 09:41
Qu'on soit bien d'accord : je ne mésestime pas la France, qui reste une civilisation de référence, ni le peuple français qui a été incontestablement et injustement fragilisé.

En tant que tunisien je suis oeceuré de la mentalité de parasite et cet avaeuglement servile de la part de nombre de mes compatriotes vis-à-vis de la France.

cet aveuglement, cette servilité , ce prolongement déshonorant de la relation du colonisé-colonisateur, surtout chez notre pseudo-intelligentsia, est terrible.

LES FRANCAIS S'EN FOUTENT DE LA TUNISIE, que ce soit enfin bien compris. Ils veulent retourner à leur authenticité, tant mieux pour eux.

Mais nous pauvres abrutis, pourquoi s'inscrute t-on et en quoi la vie politique française est -elle davantage susceptible de nous intéresser davantage que la vie politique iotalienne ou espagnole ???

Cet intérêt déplacé révèle encore une fois une mentalité d'assisté voire de parasite, et surtout une inconcevable immaturité et vacuité collective ; un peuple de clowns bédouins, écartelé entre le fantasme d'un Occident qu'il ne sont pas aptes à comprendre, et l'importation débile de gadgets wahabites qui n"ont rien à voir avec l'identité -perdue- du peuple tun isien. .

Or la TUNISIE n'a pas toujours été ainsi. Le premier pas pour sortir de l'état d'abrutissement d'indignité et d'asservissement dans lequel cette populace est plongée, c'est de nous connaître nous-même.

Et cela, seuls des tunisiens peuvent le faire avant qu'il ne soit trop tard.

Gg
| 27-04-2017 08:22
Dans mon commentaire précédent, j'ai dit ce que je pense de "l'indifférence de la France" à l'égard de la Tunisie.

Maintenant, pour être juste et en accord avec mes sentiments, je voudrais dire le positif.
La Tunisie m'a donné ma femme, ce n'est pas rien, et je garde une profonde reconnaissance pour ma famille de Tunisie, notamment les grand parents de ma femme, qui les premiers ont accepté notre mariage, bien qu'eux aient connu les colons (à l'inverse de ceux qui en parlent mais ne les ont pas connus!). Sans aigreur ni esprit de revanche, ces deux personnes âgées ont séparé le bon grain de l'ivraie et ont une idée juste des Français et de leur présence en Tunisie, il y a de cela bien longtemps... je n'étais pas né.
Ils connaissent bien leur petite fille, cette rebelle née libre et égale des hommes, ils ont compris qu'elle ne supporte pas la vie faite aux femmes dans son pays, ils ont accepté notre mariage, et par là entraîné l'adhésion du reste de la famille.
Ma femme vit donc en France, elle ne veut pas retourner vivre en Tunisie, elle a trouvé en France une culture en accord avec son être profond.
Je suis aussi très reconnaissant et fraternel envers les Tunisiens qui ont jeté l'ancre en France, et en respectent les lois, considèrent qu'ils ont dans ce pays des droits et des devoirs, comme El Ouafi avec qui je ne suis pas d'accord sur grand chose, mais que je respecte pour son attitude générale et que je considère comme un citoyen français à part entière.
Je pense aussi à quelques amis qui ont fait leurs études en France et y travaillent, en général dans le haut du panier: ingénieurs, juristes, français ils sont, de droits et de devoirs.
C'est à eux que je pense, c'est pour eux aussi que je veux garder ma France ouverte sur le monde et sur l'Europe, une France multicultuelle et multiculturelle.
Non, jamais je ne voterai FN, car l'une de ces belles personnes me fait oublier les cent autres que je vois profiter sans rien donner!

Gg
| 27-04-2017 07:22
J'ai lu la majorité des commentaires, je suis d'accord avec le constat général: la Tunisie ne suscite que de l'indifférence en France. Et c'est déjà bien, au regard de nos échanges! Voici quelques exemples.
Les 700.000 tunisiens de France envoient en moyenne 300' par mois et par personne en Tunisie. Je ne retrouve pas la source, mais j'ai lu ce chiffre plusieurs fois. En ce qui nous concerne, ma femme et moi, c'est bien plus...
Cela représente tout de même 2,5 milliards d'euros par an.
A l'inverse, ma femme a vendu sa maison en Tunisie, elle ne veut plus y vivre. Elle a donc essayé de rapatrier le produit de la vente en France, soit 42.000 euros au cours actuel. Impossible, depuis 2 ans l'administration tunisienne la trimbale de bureau en bureau, parfois un fonctionnaire lui dit la vérité: tu ne peux pas changer des dinars en euros, il faut une autorisation spéciale du Trésor Tunisien, tu ne peux pas ramener ton argent en France. Bref, le robinet fonctionne à sens unique!
Je veux ramener une voiture en Tunisie? OK ça marche pour une voiture de moins de 4 ans, avec les taxes autant acheter une voiture neuve sur place en Tunisie.
Encore une fois, sens unique.
Des centaines de milliers de Tunisiens profitent de leur retraite française au pays. C'est bien normal, ils l'ont gagnée... Mais si je possède un commerce en Tunisie, il me sera impossible de convertir des dinars en euros et de les envoyer en France.
Encore une fois, sens unique.
Imaginons que je veuille vivre en Tunisie. Il me sera impossible de pratiquer ma religion, de vivre selon ma culture. Encore une fois sens unique.
Et il me sera de toutes façons impossible d'ouvrir une affaire en Tunisie, alors que les Tunisiens vivant en France ne se privent pas d'y ouvrir des commerces. C'est très bien, mais encore une fois, sens unique. D'ailleurs je n'ai toujours pas été payé des deux jours de travail que j'ai accomplis en Tunisie au début de l'année. Je ne me fais aucune illusion, je ne serai jamais payé.
Les Tunisiens de France bénéficient de toutes les aides au même titre que les Français. Si moi demain je vis en Tunisie, il me sera impossible de bénéficier des mêmes aides que les Tunisiens chez eux.
La France demeure le plus gros pourvoyeur de d'aides et de fonds vers la Tunisie. C'est toujours trop peu, la Tunisie est vis de la France un gueule ouverte, affamée, avec des dents pour mordre. Rien d'autre!
Je passe sous silence ces quartiers que la diaspora a transformés en enclaves tunisiennes : femmes en foulard, absentes dès la nuit tombée, cafés fréquentés seulement par les hommes, les rues sont des poubelles à ciel ouvert...
Le vote FN des Tunisiens de France? Il n'a qu'un seul moteur, le désir de voir la France se casser. Ils ne voient même pas que si le FN passe, leur vie va changer hhhhh...
Alors oui, la Tunisie ne suscite en France qu'une indifférence blasée, sentiment remarquable de modération!

Nephentes
| 26-04-2017 20:08
J'ai suffisamment étudié,vécu et travaillé en France (notamment)pour me faire une idée précise de l'intégration de la diaspora tunisienne et des franco-tunisiens dans la société française.

Et pour pouvoir comparer.

Le résultat global est atterrant

31% des Maghrébins vivent en ZUP , contre 6% pour les français de souche.

A diplôme égal, un français de souche a 2,4 fois plus de chance d'être embauché qu'un français d'origine maghrébine. Ce chiffre est de 3 en Moselle.

Je n'ai pas l'espace ici pour détailler.

Il vous est impossible de reconnaître la marginalisation de la communauté tunisienne ou d'origine tunisienne en France car vous êtes partie prenante.

Pour revenir à cette fixation honteuse d'une partie de la population tunisienne se croyant "éclairée, sur la France, je suis toujours stupéfait de constater l'indifférence totale des français vis-à-vis de La Tunisie.

Je peux vous dire par exemple que les français connaissent davantage l'Australie ou la Nouvelle Zelande que la Tunisie.

Le problème est profond et décisif pour notre développement économique et la cohérence de la représentation que nous nous faisons de nous même.

Tant que nos regards reposeront sur une projection fantasmatique et immature du monde, nous demeurerons à la périphérie de ce monde.

Faute d'avoir su et pu le regarder en face.