Béji Caïd Essebsi discrédité
Par Marouen Achouri
Le pire qui puisse arriver à un président de la République est de perdre sa parole. Le 15 juillet 2018, Béji Caïd Essebsi fait une interview qui devait être diffusée sur trois médias : Nessma, El Hiwar et Mosaïque FM, finalement ce n’est que Nessma qui diffusera l’interview car les deux autres médias ont refusé de diffuser une séquence, une allocution, montée et arrangée qui ne transmettra pas la vérité.
Qu’un média, quel qu’il soit, s’adonne à ce genre de pratiques, peut être compris (Quoi que), mais que le président de la République se laisse prendre à ce jeu, c’est dangereux. La déontologie journalistique a été violée parce qu’il ne s’agit plus d’une allocution au peuple pour communiquer un certain nombre de données ou d’informations, l’exercice est perverti pour devenir de la propagande.
Il faut, dans ce contexte, saluer le communiqué publié par Mosaïque FM qui s’est refusée à diffuser un dialogue biaisé et arrangé. El Hiwar Ettounsi lui a emboité le pas car la matière fournie ne pouvait être fidèle à la réalité tellement les ciseaux du montage ont rafistolé et arrangé cette interview.
Il est clair que les objectifs de cette allocution ont été détournés et que l’on est passé d’une tentative, venant du président de la République, d’éclairer l’opinion, à une tentative grossière et maladroite de manipulation de cette même opinion publique, le tout dans un contexte de crise politique aigue. Quand tous les intervenants de la scène politique tunisienne attendaient l’intervention de la plus haute autorité du pays, on se retrouve à devoir gérer une situation qui bafoue les plus simples des principes journalistiques pour rapporter une information.
Il faut que les néophytes dans le domaine journalistique comprennent que l’interview est le plus simple, le plus basique des exercices journalistiques. Il suffit de bien écouter et de poser les questions les plus pertinentes en fonction du contexte et de la connaissance que l’on peut avoir de la situation économique, sociale et politique du pays. Même un exercice aussi simple, qui sert principalement à communiquer à la population un message présidentiel, se trouve tellement perverti que deux des médias les plus respectables du pays se refusent à le diffuser. N’est ce pas une honte pour le président de la République ?
Plusieurs voix s’étaient déjà élevées contre le fait que le président de la République fasse une interview sur une chaine dont la légalité a été récemment mise en cause. Qu’en plus la matière de l’interview elle-même soit tellement détournée pour qu’elle en devienne indiffusable, il s’agit réellement d’une honte intolérable pour l’institution de Carthage. Il s’agit aujourd’hui d’une institution, incarnée par Béji Caïd Essebsi, qui n’est même plus capable de s’adresser au peuple avec le minimum tolérable d’honnêteté et de sincérité. Conséquence : on ne peut plus lui faire confiance.