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Audiovisuel - Quand la HAICA sanctionne au gré du buzz
17/08/2014 | 1
min
Audiovisuel - Quand la HAICA sanctionne au gré du buzz
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Le paysage audiovisuel a pris des couleurs durant les trois dernières années. Il s’est diversifié, tout du moins, offrant ainsi une satisfaction modérée aux goûts de tous, ou presque. Il y a eu, ces trois dernières années durant, comme une euphorie de la communication, une déferlante de libre expression déversée, en l’occurrence, par les hommes de la politique. Une grande soif en la matière à étancher. Mais le fait est que les émissions et les programmes proposés ne se soumettaient pas à une réglementation bien définie. Naissait alors la HAICA (Haute Autorité Indépendante de la Communication Audiovisuelle) un 3 mai 2013, dont le rôle principal est la régulation du paysage audiovisuel et la consécration de la liberté d’expression. Plus d’un an après sa création, certaines décisions de la HAICA évoquent des interrogations quant au processus fonctionnel de ce dispositif régulateur.

La semaine dernière, la HAICA a condamné deux chaînes de télévision privées de la place à une suspension d’émission pour des durées de deux semaines et d’un mois. Pour avoir invité deux Libyens dont le discours déclinait des appels à la violence et à la guerre, le talk show "Ness Nessma News" diffusée sur la chaîne privée Nessma TV, a écopé d’une suspension d’un mois. Une décision prise par la HAICA après avoir convoqué le directeur de la chaîne, le rédacteur en chef ainsi que le présentateur du programme. Aux abords de 24 heures plus tard, la chaîne privée Hannibal TV a connu le même sort que sa consœur : elle est sanctionnée par la HAICA ayant décidé de suspendre pour une durée d’une semaine son émission « Ça se passe en Tunisie ». Motif : les invités reçus à l’épisode en question avaient tenu un discours incitant clairement à la violence et faisant l’apologie du terrorisme et de la guerre. A cette décision, la direction de la chaîne Hannibal TV a exprimé ses regrets tout en axant sur son respect des règles de la profession ainsi que de sa mission informative.

D’autres médias sont de même passés sur le banc des accusés de la HAICA. Ettounissya TV s’est vu infliger au mois de mars dernier une suspension de son émission « Andi Mankolek » et une amende de 200 mille dinars.  L’instance explique qu’elle a, à maintes reprises, alerté le producteur de l’émission des dépassements de la loi constatés au cours de son programme sans que ces avertissements ne soient pris au sérieux. De son côté, la Radio Nour, station religieuse pirate, a écopé d’une amende de 50 mille dinars pour avoir utilisé les fréquences de Radio Monastir.

S’interrogeant sur les modalités de sanction et les modes de leur application, un membre de la HAICA a précisé dans une déclaration à Business News que celles-ci ne sont pas infligées de manière arbitraire ou encore moins hasardeuse. En effet, en ce qui concerne les pénalités pécuniaires, l’instance a mis en place un système de calcul basé sur le chiffre d’affaires réalisé par l’émission, objet de la sanction. Une sorte de baromètre préétabli. Quant aux sanctions de suspension de programme, elles sont de même soumises à une échelle d’évaluation. Notre contact, membre de la HAICA n’a pas voulu nous en dévoiler davantage.

Depuis sa mise en place, la HAICA a procédé à la pénalisation de plusieurs médias audiovisuels sans pour autant disposer des outils nécessaires à ce faire. A titre d’exemple, s’agissant des programmes télévisés, l’instance ne recourt pas à l’instrument du monitoring pour établir un système de surveillance et de suivi des contenus et de la matière proposés par les différentes émissions diffusées sur l’ensemble des chaînes de télévision nationale. Or, il s’agit là d’un instrument clé qui permet de recenser les éventuels dépassements de la loi et de les détecter à l’instant "t" en vue de réagir en conséquence. Dans le cas récent des deux chaînes Nessma TV et Hannibal TV, tout fraîchement sanctionnées par des suspensions de programmes, la réaction de la HAICA s’est faite sur la base de ce qu’on appelle communément « buzz ». Le scénario consiste en le suivant : une publication en masse sur les réseaux sociaux du programme ou d’une partie de celui-ci, et dont le contenu prête à polémique ou controverse. Le même passage «douteux » de l’émission en question est même souvent repris par d’autres médias tels que des journaux électroniques ou encore des radios. Parce que provoquant l’ire des auditeurs et téléspectateurs déferlant des commentaires et des critiques acerbes à l’encontre du passage de l’émission concerné, la HAICA se retrouve, de ce fait, dans l’obligation de réagir dans le cadre de sa mission.

Cette façon de faire pénalise, à son tour, l’instance de régulation. A dire vrai, bien que la HAICA dispose d’un texte de loi régissant ses tâches, les moyens de surveillance et de contrôle, faisant défaut, entravent son bon fonctionnement.  Dans le cas des deux émissions de «Ness Nessma News» et « Ça se passe en Tunisie», c’est en effet, le buzz qui a fait pencher la balance et déclencher la réaction de la HAICA. En d’autres mots, le téléspectateur est lui-même une partie prenante dans la tâche de la sanction des médias qu’il visionne. De leur côté, les « haicaiens » assurent agir sur la base de normes légiférées et affirment qu’aucune distinction spécifique n’est de rigueur en particulier : tous les médias audiovisuels sont traités à pied d’égalité. Néanmoins, à regarder de près les émissions télévisions de certaines chaînes tunisiennes satellitaires, que d’infractions peut-on relever et noter. Des infractions qui s’incrustent dans le contenu médiatique et en deviennent une fraction intégrante dont les effets ne sont plus stériles.

C’est tout de même étonnant qu’une instance de régulation telle que la HAICA soit mise en place et acte en toute légalité sans pour autant se doter des moyens nécessaires pour cette action à juste titre. Les « haicaiens » se sont-ils posés la question suivante : si un jour le journal télévision de la première chaîne nationale Al Wataniya 1 commet une infraction à la loi en vigueur, l’instance procédera-t-elle à sa suspension ? Ou se contentera-t-elle dans ce cas de figure de la simple pénalité pécuniaire en exigeant une amende ? Amende qui dans le cas d’un média public sera payée par le contribuable c’est-à-dire le téléspectateur.    

Le souci de mettre en place une instance de régulation des supports médiatiques audiovisuels au plus tôt, a poussé les autorités de tutelle à bâcler le projet en le privant du moindre de ses droits d’exercice. C’est alors qu’on fait avec les moyens du bord et tant pis si des médias comme Nessma, Hannibal et Ettounissya trinquent.

Nadya B’CHIR
17/08/2014 | 1
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