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Chroniques
Ah ce qu’il est nul ce Youssef Chahed !
Par Nizar Bahloul
21/01/2019 | 15:59
7 min
Ah ce qu’il est nul ce Youssef Chahed !

 

Une belle semaine politique finalement. Ah ce qu’on s’est amusés, surtout que nous avons eu droit à deux jours chômés, bien chômés, mais qui seront quand-même payés par le contribuable. Du farniente rémunéré, on en redemande ! Et que ceux qui parlent de travail, de productivité, de croissance, de libéralisme et tout ce verbiage des pays développés esclavagistes impérialistes se taisent ! Ils n’ont rien compris à la vie ! A quoi sert-il de travailler plus pour gagner plus si on n’a pas le temps de dépenser son argent ? En Tunisie, on est en train de créer un nouveau modèle qui sera repris par le monde entier, on travaille moins pour gagner plus. Nous allons démontrer que l’on peut gagner davantage en travaillant moins, en produisant moins, mais en rouspétant plus ! Avec nos amis Gilets jaunes français, nous allons révolutionner le monde. Il y a 8 ans, la Tunisie était le berceau du Printemps arabe, eh ben maintenant elle sera le berceau du Printemps universel.

 

Ce qui est valable en économie le sera aussi en politique. Car outre ce 14-Janvier que nous avons bien fêté et outre la grève que nous avons bien observée, cette semaine a coïncidé avec le début de la « Mounechda » pour que notre président Béji Caïd Essebsi se représente à la Présidentielle à la fin de cette année. Nous allons démontrer au monde entier qu’un homme de 93 ans est suffisamment fort, lucide, serein et bien portant pour rempiler pour cinq ans. Avec nos voisins et frères algériens, nous allons démontrer au monde entier que nos présidents bien aimés Béji Caïd Essebsi et Abdelaziz Bouteflika (Sebsi et Boutef pour les intimes) peuvent être des modèles de bonne gouvernance et de stabilité pour leur pays. A bas le jeunisme, à bas les modèles impérialistes esclavagistes du monde développé, à bas les stéréotypes démocratiques libéraux qu’on veut nous imposer contre notre gré !

A bas Youssef Chahed, ce jeunot qui ne comprend rien, qui a tout échoué et en qui nous avions eu confiance. Ce Chahed a trahi son mentor le président de la République et ne travaille que pour son propre agenda. Il s’est acoquiné avec les islamiteux nauséabonds et il est à la solde de ses anciens employeurs américains. Il est nul et doit partir ! Que Youssef Chahed dégage, nous ne voulons plus de lui ! Nous sommes libres et nous le resterons ! Enfants de la patriiiiiiiie, le jour de gloire est arrivé !

 

J’espère que mes fidèles lecteurs, déçus par mes écrits libéraux de ces dernières semaines, seront satisfaits par cette introduction. En leur servant ce qu’ils veulent lire, en tançant le gouvernement et sa politique et en dénigrant les islamistes, l’impérialisme et le productivisme, je devrais normalement retrouver leur mansuétude et leur indulgence.

Parler des choses qui fâchent, critiquer et dire les choses comme elles sont, renvoyer les gens à leurs propres responsabilités est un exercice coûteux en popularité. Et comme on ne peut vivre que de l’amour des gens, allons donc pour le populisme à outrance ! Pour un homme politique, c’est une question vitale, car cet amour des gens se transforme en voix le jour du scrutin.

 

La vérité est dure à avaler, les Grecs, les Espagnols, les Portugais le savent. Ils l’ont su à leurs dépens et sur le tard. Les Vénézuéliens paient le prix fort et ont littéralement faim aujourd’hui après avoir cru, un temps, aux belles paroles de leur ancien président Chavez. Les Allemands ont été les premiers à le savoir, ils ont été les premiers à serrer les coudes (et la ceinture) pour sauver leur pays et ils l’ont sauvé ! Disons les choses clairement avec un minimum de langage savant, il n’y a pas de recette miracle pour sauver un pays, il n’y a pas 36.000 recettes pour sauver un pays, il n’y en a que deux. La première est une économie rentière à l’image des pays pétroliers du Golfe. Cette recette est de court terme, elle ne mène pas bien loin et conduit à terme à la déchéance. Le Venezuela (ou la Libye) en sont la meilleure preuve. Et il y a la deuxième recette qui a fait ses preuves partout dans le monde développé, celle du travail et de la productivité.

 

Le monde développé a découvert depuis des années que :

- Les augmentations de salaire engendrent l’inflation et freinent l’emploi ;

- Il faut réduire les impôts pour booster la croissance, encourager la création d’entreprises et d’emploi ;

- Il faut réduire la masse salariale du public ;

- Il faut privatiser les sociétés évoluant dans des secteurs concurrentiels

- L’assistanat social ne génère que de la pauvreté ;

- Toute peine mérite salaire, il ne faut pas payer et encourager les gens qui ne travaillent pas car ça réduit la productivité et ça freine ceux qui travaillent.

Le monde développé a expérimenté toutes sortes de grèves et toutes sortes de contestation sociale avant d’aboutir à ces conclusions. Il n’y a que l’UGTT et quelques héritiers des Soviets qui n’ont toujours pas compris où et comment le monde va ! Ils veulent des augmentations, mais ils protestent contre la cherté des prix, ils veulent des ressources pour l’Etat, mais freinent les privatisations (alors qu’ils ont eux-mêmes privatisé leur société d’assurances et leur hôtel), ils veulent que la valeur du dinar augmente, mais ne produisent rien pour le soutenir.

 

L’UGTT a observé jeudi dernier un jour de grève pour exiger d’énièmes augmentations de salaire. Les syndicalistes ont raison de demander cette augmentation au vu de l’inflation qui nous ronge depuis des années et vu que d’autres secteurs en ont bénéficié. Le gouvernement, tout comme ceux qui l’ont précédé, notamment le dernier de Habib Essid, ont tous cédé aux sirènes des augmentations, par souci de paix sociale et de peur de voir une grève déborder vers l’irréparable. Ce sont tous ces gouvernements faibles (y compris ceux sous Ben Ali) qui ont mené à cette fuite en avant et ce cercle vicieux de ‘augmentation-de-salaire vs augmentations-des-prix’. Aucun de ces gouvernements n’a eu les mots qu’il faut pour convaincre le peuple que cette stratégie est fausse, car il a été démontré que le pouvoir d’achat ne peut que reculer avec ces augmentations de salaire régulières.

Il faut un gouvernement fort, très fort et celui de Youssef Chahed ne l’a pas été. Subir une grève d’un jour pour une augmentation de salaire refusée est un signe d’échec politique, bien que la grève en elle-même n’a pas vraiment réussi.

Grève pour grève, Youssef Chahed aurait dû entamer l’opération chirurgicale douloureuse et mettre les syndicats et tous les politiques devant le fait accompli, quitte à bloquer le pays pendant des semaines. Feue Margareth Thatcher a résisté devant les mineurs grévistes plus d’un an et a fini par triompher. Elle a laissé plusieurs gens dans la misère, mais elle a sauvé le pays. Les Etats-Unis comptent des milliers de SDF, mais ont créé des milliers de millionnaires (en dollars) et sont la première puissance mondiale. Idem pour l’Allemagne d’Angela Merkel. Alors que veut-on réellement ? 160 dinars pour quelques fonctionnaires ou des points de croissance en plus et du chômage en moins pour le pays ? Que veut-on réellement ? Prendre des crédits en devises en plus pour payer ces 160 dinars aux fonctionnaires et endetter nos enfants ou bien laisser à nos enfants un pays sain ?

 

Youssef Chahed a entamé les réformes, mais celles-ci sont bloquées à l’ARP. Il ne peut pas faire mieux, la Constitution l’en empêche. Youssef Chahed a trouvé des solutions, mais celles-ci sont inapplicables, l’UGTT n’en veut pas. Que faire alors ?

Grève pour grève, et au lieu de subir une grève pour des clopinettes, un vrai chef du gouvernement d’un pays démocratique, devrait être fort, frapper du poing sur la table et aller jusqu’au bout de sa politique, quitte à y laisser sa peau. Un peu comme a fait, un certain temps, Saïd Aïdi à la Santé.

Grève pour grève, un vrai chef du gouvernement devrait cesser de jouer aux percepteurs de l’UGTT et laisser la centrale syndicale récolter toute seule son budget chez ses adhérents. Il devrait privatiser les sociétés privatisables et évoluant dans des secteurs concurrentiels où l’Etat n’a plus rien à faire. Il commence par la RNTA et va jusqu’à l’OACA en passant par la Star. Il devrait déclarer les zones de production de pétrole et de phosphate comme des zones militaires interdites aux civils, car les habitants de ces zones ne peuvent plus se permettre de prendre le pays et ses recettes vitales en otage. Il devrait réformer immédiatement le code du Travail (plutôt que le code de l’Investissement) car c’est ce code du travail qui empêche l’investissement et encourage le farniente.

 

La Tunisie, tout comme les autres pays, n’est pas un pays à part et ne vit pas seul dans l’univers. Il subit comme les autres les lois de la nature. Les solutions, très douloureuses certes, qui ont marché ailleurs devraient marcher ici. Nous n’avons d’ailleurs pas le choix, car les douleurs qui nous attendent demain sont pires que celles que nous pourrons subir aujourd’hui. Il suffit de comparer les sacrifices subis (avec leur accord) par les Allemands et ceux subis (malgré eux) par les Grecs et les Venezueliens. A nous de voir, si on veut être comme les Allemands ou comme les Grecs. 

 

Par Nizar Bahloul
21/01/2019 | 15:59
7 min
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Commentaires (69)

Commenter

Chaker
| 26-01-2019 14:03
Excellente analyse

Aksel
| 25-01-2019 16:55
Neutraliser l'UGTT ! ,
Trois absences de suite de BN a la prière du vendredi, il sera pendu pour apostasie par les islamistes d'ennahda

chiheb
| 25-01-2019 11:45
Analyse simpliste et superficielle

habboub
| 25-01-2019 09:51
Bravo si Nizar, vous avez bien analyser la situ

Mah
| 24-01-2019 10:10
C'est mon idée : Bahloul, chef de gouvernement, subito ! Vivement ! Plus logique et cohérent comme lecture de la situation, y 'en a pas - encore - ds notre bled !
Bahloul n'a pas tort les mecs, à propos d'assistanat social" ! Rappelez-vs la doctrine du pasteur T. Malthus : Aider les pauvres, c'est en pérenniser la situation de misérables !! C'est prouvé historiquement et mondialement !

JJ amoroso
| 24-01-2019 09:02
Il suffit de lire la presse pour voir ce qui intéresse les Tunisiens :la politique politicienne, le sport (football et courses de chevaux), jeux, horaires d'avion et show-business. '?conomie micro ou macro, néant. Alors ne vous étonnez pas du résultat !

TunPat
| 24-01-2019 06:37
Pouvez vous , creuser un peu , sur les déclarations de Med Salah Hadhri ex Officier Supérieur de l'Armée , emprisonné dans l'affaire de Baraket Essahal , ex Conseiller des Premiers Ministres Med Mzali et de de Rachid Sfar en matière de sécurité , concernant l'appareil secret de Ennahdha et son possible potentiel militaire ! ( déclaration lue sur Tunisie Numérique hier ) , merci .

Bechir Toukabri
| 23-01-2019 18:19
Merci pour cette analyse qui ne ménagé personne. Vos propositions sont aussi très pertinente, mais elles seront refusés net par les démocrates au pouvoir et les "droits-de-l'hommistes.la majorité des Tunisiens et surtout ceux de la classe moyenne qui soutient le pouvoir actuel veulent "le beurre et l'argent du beurre". le régime ou le pouvoir auquel vous pensez pour imposer les mesures salutaires par l'autorité, ne peut venir que de l'extérieur, par de l'intérieur a moins d'exclure le partis d'Ennahda qui est le seul capable de prendre le pouvoir. Mais si cela arriverait il y aura une véritable guerre civile sanglante.

Soussou
| 23-01-2019 16:13
Bravo monsieur pour cette analyse j'espère que nos politiciens liront cette analyse très convaincante

kamel
| 23-01-2019 10:39
Une tres bonne analyse .Bravo