Comme prévu, la chaîne de télévision qatarie Al Jazeera a diffusé ce soir du jeudi 30 octobre 2014 son enquête intitulée la boîte noire, consacrée à l’assassinat de Chokri Belaïd.

Il s’agit d’une enquête cousue main dans le but de faire toute la lumière sur ce meurtre, et après avoir donné un aperçu des faits, l’enquête fait place aux témoignages. C’est ainsi qu’on a eu droit à celui de l’avocate Leila Ben Debba qui a parlé de Me Faouzi Ben Mrad et de sa mort par crise cardiaque, mais qui demeure, selon elle, suspecte, voire criminelle causée par un empoisonnement.
Il y a eu l’autre témoignage de la jeune fille voisine habitant au 4ème étage dans le même immeuble du martyr qui a, de nouveau chargé le chauffeur de Chokri Belaïd tout en assurant qu’elle fait juste des constats.
Il y a eu, également, l’entretien avec Besma Khalfaoui Belaïd et qui s’apparente beaucoup plus à un interrogatoire. Les questions portaient, surtout, sur des faits touchant à sa vie privée à savoir si elle était divorcée ou non et sur une prétendue relation avec un certain cinéaste, Jamel Naghmouchi, tué dans un accident « après avoir été menacé de mort par feu Chokri Belaïd », selon le contenu de l’enquête.

Le documentaire d’Al Jazeera évoque ensuite l’épisode d’Ahmed Rouissi, accusé d'être le meurtrier ou commanditaire de l’assassinat de Chokri Belaïd. Ainsi, un aperçu de l’itinéraire de ce « trafiquant de drogue converti en voyant consulté régulièrement par Leila Ben Ali » avant d’être jeté en prison où il s’est transformé en salafiste ou en taupe chez les salafistes. Mais il est parvenu à s’évader et à partir en Libye où il s’est joint au groupe d’Ansar al Chariâa.

Cette enquête, menée de bout en bout par Maher Zid, présenté comme étant un journaliste spécialiste dans l’investigation, nous montre un relevé des communications du chauffeur de feu Chokri Belaïd juste avant et après l’assassinat et affirme « qu’Ahmed Rouissi est en relation avec Kamel Letaïef », selon les conclusions de l’enquête qui a réussi, enfin, à obtenir un document d’état civil « prouvant que Besma Khalfaoui était divorcée de son feu mari Chokri Belaïd ».

L’enquête se termine sans donner de conclusions, mais de tout ce récit rocambolesque, la chaîne qatarie semble vouloir orienter l’affaire vers un autre terrain à savoir celui d’un simple crime passionnel : Relation amoureuse, menaces de mort, mort d’une personne devenue encombrante maquillée en meurtre politique dont les ficelles ont été tirées par un homme d’affaires présenté comme étant le faiseur de présidents.

L’enquête est trop louche et sans aucune crédibilité surtout si l’on sait qu’elle a été menée le même journaliste, qui avait, rappelons-le, effectué un reportage sur l'affaire de "Goubellat" affirmant que les terroristes n'étaient que des chercheurs de trésor. Cette version avait été largement critiquée par les médias professionnels taxant Maher Zid et la chaîne El-Mutawasset de vouloir réduire l'affaire et détourner l'opinion publique de la "vérité" en accusant "des personnes mortes pour la patrie de trafiquants de pièces archéologiques"!

A souligner, également, que Maher Zid avait été arrêté le 8 novembre 2013, suite à une procédure engagée par le ministère public en raison de ses propos, la veille, visant des cadres du ministère de l’Intérieur qu’il accuse d’être derrière les assassinats de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi.
On avait retrouvé chez lui des documents confidentiels liés à l’instruction dans l’affaire de l’assassinat des deux martyrs. Il avait, alors, donné des explications multiples et contradictoires pour justifier sa détention de ces documents.

Maher Zid est présenté sous plusieurs casquettes, une fois comme journaliste d’investigation et une autre comme spécialiste des questions sécuritaires, sans que l’on connaisse son rôle exact. On rappelle qu’il a bénéficié de l’amnistie générale avant d’être recruté en tant que greffier au Tribunal de première instance de Tunis. Il s'est, par ailleurs, illustré par sa théorie de la recherche de trésor pour expliquer certains actes terroristes dont ont été victime des éléments sécuritaires.