A quand un Bac culture…
Ma génération est peut-être la dernière à avoir échappé au rituel de la « dakhla » du Bac sport. Mais depuis, cette fête est devenue immuable chaque année. Une occasion pendant laquelle les aspirants bacheliers laissent libre cours à leur imagination pour intimider d’autres lycées, dans le cadre d’une saine concurrence.
Le Bac sport est aussi une occasion pour certains lycéens d’étaler leur ignorance. Est-ce dû au fait qu’ils manquent de culture ? Est-ce juste le reflet fidèle de la société dans laquelle ils vivent et ce n’est pas leur faute ? Le débat est ouvert et on peut philosopher là-dessus pendant des heures. Mais le fait est là.
L’année dernière on a vu une affiche à longueur de mur à l’effigie d’Adolf Hitler, le nazi. On avait également vu des affiches à la gloire des terroristes de Daech. Cette année, il y a eu encore une glorification des symboles nazis avec une croix gammée exhibée à Djerba. Il faut dire que les élèves ont expliqué depuis qu’il ne s’agissait pas d’un symbole nazi, qu’il s’agissait d’autre chose. Toutefois, il faut bien admettre que l’ignorance est le dénominateur commun des deux versions.
On a également vu une affiche de plusieurs mètres montrant l’ancien président irakien, Saddam Hussein, tenant dans ses bras le petit Aylan, enfant syrien mort noyé et retrouvé sur une plage et dont l’image avait fait le tour du monde. Sur l’affiche, Saddam Hussein dit au gamin : « excuse-moi mon enfant, si seulement j’étais vivant… ». Ce que les enfants semblent ignorer, c’est que Saddam Hussein a été l’un des plus grands bourreaux de kurdes au monde. Le petit Aylan étant kurde lui-même, il est fortement improbable que Saddam Hussein ait fait quoi que ce soit pour empêcher leur mort.
Le pire c’est qu’il aurait suffit d’un petit tour sur internet pour s’en rendre compte. Il aurait suffit de se documenter un peu sur la vie du bonhomme de Baghdad pour comprendre que Saddam Hussein et les kurdes sont très loin d’être les meilleurs amis du monde. Notons au passage que Slim Riahi, homme d’affaires, président du Club Africain chef de l’UPL parti au pouvoir, a repris l’image de la banderole en saluant la conscience des lycéens et leur sensibilité à ce genre de sujets. Il a aussi dit qu’il n’avait pas peur pour l’avenir de la Tunisie…
Il y a eu aussi de belles initiatives comme celle du lycée pilote de Gafsa. Eux, ils ont choisi de rendre hommage à leurs professeurs pour fêter le Bac sport. D’autres ont rappelé à la Tunisie qu’il y avait deux journalistes dont le sort reste inconnu en Libye : Nadhir Guetari et Sofiène Chourabi.
Il y a un constat qui s’impose quand on regarde ce phénomène de près : Il y a une grande énergie chez ces jeunes qui ne demande qu’à être libérée, il y a une certaine sensibilité qui ne demande qu’à être guidée. Mais tant qu’ils seront livrés à eux-mêmes, qu’ils apprendront des choses sur Facebook et que leurs principes directeurs seront dictés par la télévision, on verra des drapeaux nazis, Daech ou encore les pires confusions historiques. Il ne faut pas s’étonner de leur ignorance, on ne fait rien pour y mettre un terme…