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Chroniques
A combien s'achète le kilo de lois ?
19/09/2016 | 15:59
6 min

Joyeux aïd à tous. A l’actualité cette semaine, la rentrée ! Enfin ! Après quatre mois de congés officiels et officieux, entre le ramadan, les vacances estivales, la séance unique et autres aïds, la Tunisie était en somnolence tout l’été. Comme chaque été.

 

Une des décisions fortes que pourrait prendre Youssef Chahed, c’est d’annoncer dès maintenant la suppression en 2017 du régime de la séance unique qui n’a plus lieu d’être. Cette séance unique a été instaurée lors du protectorat français parce qu’on a estimé à l’époque qu’il était impossible de travailler en temps de grosses chaleurs. C’était le cas avant, mais depuis la généralisation des climatiseurs, cet argument n’est plus valable. Paradoxalement, ce sont les administrations et les banques qui bénéficient de cette séance unique, bien que leurs bureaux soient climatisés, alors que les maçons, agents de circulation, les travailleurs municipaux ou les ouvriers de chantiers continuent à travailler toute la journée, y compris à mi-journée, à l’heure du pic de la chaleur.

 

Le chef du gouvernement aura-t-il le courage d’annoncer la fin de cet acquis social vieux de plusieurs décennies en opposant un argument de taille : la nécessité de productivité en cette période de crise économique ? Le doute est permis et le rêve aussi.

 

C’est donc la rentrée et elle a démarré sur les chapeaux de roue avec Moncef Marzouki. L’ancien président de la République a une nouvelle fois fait le pitre, joué la victime et pleurniché sur les ondes. Et encore une fois, il a réussi à trouver un écho favorable. Faut-il lui donner plus d’intérêt qu’il n’en mérite ? L’ignorer est, à mon avis, la meilleure chose qu’on pourrait offrir à son pays. Ce n’était pas l’avis d’Attessia et ils l’ont payé cher. Ça leur servira de leçon, quand on invite n’importe qui, il ne faut pas s’étonner de récolter du n’importe quoi.  

Juste après la polémique Marzouki et sa censure hypothétique, un scandale a été déclenché à Nidaa, parti au pouvoir. Étouffé  et quasiment passé sous silence celui-là.

 

L’odeur du scandale a commencé le mercredi 14 septembre avec l’annonce d’une pétition signée par 38 députés de Nidaa appelant à la mise en place d’élections pour élire un nouveau président du bloc parlementaire. Objectif : éjecter Sofiène Toubel dont les prestations sont bien insatisfaisantes. Sofiène Toubel qui, rappelons-le, est parti faire le pèlerinage à La Mecque, alors que la période ne peut en aucun cas lui permettre cette absence.

Pour justifier sa position, le député Nidaa, Taher Battikh, a déclaré jeudi 15 septembre chez Mehdi Kettou et Sofiène Ben Hamida, sur Express FM, qu’il y a des ingérences externes dans le travail du bloc parlementaire de la part d’hommes d’affaires corrompus. Il précise qu’il y aurait entre 10 et 15 députés qui prennent leurs ordres du dehors du parti. M. Toubel en ferait partie et il serait même leur chef, d’après M. Battikh. « Les agissements de ce groupe ont des incidences négatives sur le fonctionnement du parti et de ses réunions, dit-il. C’est pour cela que nous vivons une crise au sein du bloc et du parti et je le reconnais ».

 

Le lendemain, chez Boubaker Akacha sur Mosaïque FM, Taher Battikh enfonce le clou. Les hommes d’affaires en question seraient membres de Nidaa mais n’appartenant pas à ses structures. N’empêche, ces hommes d’affaires réussissent à se faire obéir par les députés de Nidaa. Du coup, et toujours d’après les propos de M. Battikh, c’est le bloc parlementaire qui domine le parti et non plus le parti qui domine le bloc.

Confronté à Sofiène Toubel sur l’antenne de Mosaïque, M. Battikh persiste et signe et parle de soirées ramadanesques chez ces hommes d’affaires et de distribution d’argent dans les régions et aux députés. Il lui rappelle même qu’ils se sont rencontrés tous les deux chez un homme d’affaires et qu’il lui a dit en face ce qu’il en pense ! 

 

Quand on sait que Taher Battikh est à la fois député, maître de conférences à l’université et conseiller du président de la République, on est en droit de supposer que ses propos ne soient pas légers. Et quand il parle d’hommes d’affaires corrompus qui s’ingèrent dans le travail du bloc parlementaire, on est en droit de s’arrêter un moment et d’attendre une réaction officielle du président de l’Assemblée et/ou du procureur de la République. C’est ainsi que fonctionne une démocratie normalement constituée.

L’affaire a été rapidement étouffée et n’a pas dépassé les ondes des radios Express FM et Mosaïque FM. Rares sont les personnes qui ont rebondi sur ce qui aurait dû être LE scandale de la rentrée par lequel s’ouvrent les 20-Heures et autour duquel s’organisent les débats télévisés.

 

Ce n’est pas la première fois qu’un haut cadre de parti ou d’une institution de l’Etat parle de corruption, sans qu’il y ait de réaction, ni même de polémique. Jamel Tlili a précédemment parlé de la corruption de Slim Riahi, président de l’UPL (5ème bloc parlementaire) sans qu’il y ait de réaction. L’UPL suspecte son ancien secrétaire général et  l’ancien ministre Hatem El Euchi, d’être mêlé à une affaire de corruption, sans qu’il y ait de réaction. Plusieurs membres actuels et anciens de l’IVD ont parlé des malversations de leur présidente Sihem Ben Sedrine, sans qu’il y ait de réaction !

A vrai dire, les seules réactions qu’il y a sont de nature opportuniste où l’on cherche plus à marquer des points politiques que d’en finir réellement avec la corruption. C’est le cas de Samia Abbou, pour ne citer qu’elle puisque son parti se positionne en chantre de la lutte anti-corruption. Elle a bien réagi sur le scandale dévoilé par Taher Battikh, mais elle n’a jamais rebondi sur ceux de Sihem Ben Sedrine ou de Slim Riahi.

En clair, la corruption est non seulement devenue habituelle et étendue, mais on l’exploite en plus pour marquer des points et abattre des adversaires précis, tout en ménageant, au même moment, les « corrompus amis ». Et gare à vous si vous les critiquez ! On vous accusera à votre tour (en tant que média) de manger votre petit pain chez les annonceurs (sous-entendu corrupteurs) !  

Avant, on moquait les faux militants salariés des organismes étrangers en disant : « A combien le kilo de militantisme ? ». Désormais, on pourra moquer les députés en leur disant « à combien s’achète le kilo de lois ? », tout en moquant leurs adversaires politiques : « combien rapporte le kilo de lutte anti-corruption ? ».

 

On voulait tourner la page du passé avec l’IVD et c’est l’IVD qui est suspectée. On voulait entamer une nouvelle page politique propre, mais les nouveaux partis sont suspectés. On voulait mettre en place un nouveau système et de nouvelles lois pour en finir, mais ce sont les députés qui sont désormais accusés par leurs propres camarades du même camp !

A ce niveau hiérarchique de l’Etat, l’Assemblée en l’occurrence, la corruption n’est plus seulement endémique dans le pays, elle devient institutionnelle !

 

 

19/09/2016 | 15:59
6 min
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Commentaires (25)

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Haithem
| 27-09-2016 10:19
"A vrai dire, les seules réactions qu'il y a sont de nature opportuniste où l'on cherche plus à marquer des points politiques que d'en finir réellement avec la corruption. C'est le cas de Samia Abbou, pour ne citer qu'elle puisque son parti se positionne en chantre de la lutte anti-corruption. "

Juste pour rappel , Attayar le parti auquel appartient Mme Samia Hammouda Abbou a proposé un projet de loi de lutte contre la corruption et l'enrichissement illicite, un projet qui prend la poussière dans le bureau de la présidence de l'ARP, preuve que la démarche de l'élue ainsi que son parti n'est nullement opportuniste contrairement aux intentions de l'auteur de cet article qui veut banaliser la corruption , et sauver ainsi le parti au pouvoir Nidaa en levant le slogan "tous pourris" !

tounsia2
| 23-09-2016 20:51
Bonsoir,
Merci pour votre aimable attention; Je vais très bien, tout ce qu'il y a, c'est que je me suis engagée dans un travail qui doit être terminé d'ici la fin du mois de Décembre, ce qui n'est pas du tout évident, alors j'essaie de rester concentrée autant que possible pour pouvoir avancer; Entre temps, je continue à suivre les informations et à vous lire toujours avec plaisir et beaucoup d'intérêt.

Bonne continuation

Tunis
| 23-09-2016 19:36
Je défie quiconque de démontrer que mon commentaire contenait une once de violence!Cependant il n'est pas inutile de tenter ou essayer de conseiller aux crédules de ne pas s'égarer et se fourvoyer par des ringards incompétents opportunistes!Oui ces opportunistes qui ont fait leur gréve de la faim,main dans la main avec les ennemis de la Patrie(oui je sais Patrie c'est ringard)!Et qu'on me parle plus d'acquis ou autres!
Quand au fameux développement de cette chère Maryem,nous aurions applaudi si c'était le sien!Hélas non,car nous savons qui en sont les auteurs!
RODIN

Kairouan
| 23-09-2016 12:59

@RAFIK DE JENDOUBA | 22-09-2016 18:16

Merci mon cher compatriote pour ce post qui est de la meme veine que les efforts de developpement de @Maryem [Maryem| 19-09-2016 18:43].

J'ose esperer que la liberation de la parole, seul, mais O combien valeureux acquis des Tunisiens durant ces dernires annees, amenera, de par l'usage de la langue que nous parlons et qui parle pour nous, amenera petit a petit une conscience politique plus elevee et l'articulation affirmative (pour ne pas dire violente) de nouveaux regards - de plus en plus informes - sur notre societe, ses tares et ses defis.

Je vous remercie encore une fois pour ce cri du coeur et souhaite a tous une bonne continuation...

P.S. Salutations a @tounsia2; Comment allez-vous?

EL WOUAFY avec Y à la fin
| 23-09-2016 10:13
l'Écartement des politiciens ;diplomates :sécuritaires et hommes d'affaires a faibli la gérance de l'actuelle Etat il me semble qu'elle est voulue par pénétrer L'Etat dans un cercle fermé pour ce que tout simplement le savoir faire en gérance de L'Etat est absente il n'est pas raisonnable de mettre en hors service les compétant pourvue d'une ancienneté considérable acquit au détriment du peuple en politique il faut être réel et juste en évitant de nier les capacités des autres méme s'il s'agit des supporteur du président Ben Ali car ils sont libres de supporter n'importe mais l'essentiel l'amour du patrie avant tous comme je pourrai supporter Ben Ali comme je pourrai en mesure de solutionner les problèmes cruciaux tel que de s'occuper un peu des villes qui nécessitent des retouches tel que la création des emplis pour les jeunes qui ne cherchent pas à comprendre si L'Etat à des moyens ou non il y a certains qui croient que le président et un Dieux ( Astaghfi rou Allah ) ils ne sont pas au courant que le président ne peu pas changer la situation de quiconque car chacun à son maktoub et le Dieux qui s'occupe mais L'Etat devra faire ce qu'il pourra faire d'épauler orienter offrir les occasions pour tout le monde .ou sont les investisseurs ( Les Sahlis ) ils ont les moyens de participer en soulevant beaucoup de problème en matière d'investissement et ils n'oublieront pas qu'ils sont responsables envers le Dieux car l'argents qui possèdent en réalité se sont de l'argents de Dieux et les pauvres ont le droit d'avoir leur part .

RAFIK DE JENDOUBA
| 22-09-2016 18:16
Un pays en détresse , un peuple en déshérence , une corruption endémique , une justice dans l'expectative et l'attente , une économie en atonie et en faillite déclarée , une situation sociale exacerbée , un ETAT en déliquescence incapable d'endiguer ces fléaux qui rongent les fondements de l'Etat garant de la paix civile
Dans leur somnolence les partis politiques ferrent à la conquête du pouvoir , se disloquent dans l'indifférence dans je t aime moi non plus , machiavel n'aurait pas espéré moins.
L'amalgame , le mensonge , la calomnie, , sont devenus le leitmotiv de ceux qui se présentent à nous pour nous gouverner ; tout cela avec la complicité d'une presse soumise ou révoltée ; on souffle le chaud et le froid pour le scoop ou le breaking news .Les uns affabulent , les autres crient au scandale , on se déguise avec des masques de paroles mielleuses,on caresse dans le sens du poil tout ça pour mieux berner et tromper ceux qui souffrent à la recherche de leur pain au quotidien .
Les partis politiques chacun à sa manière se vantent du ralliement de telle célébrité sportive , politique , hommes d'affaires ou autres pour mieux se situer dans la bataille à venir , ils s'insultent par médias interposés face à un peuple hébété , désabusé et goguenard, ils agissent pour diviser et non pour unir ils opposent à dessein machiavélique les nantis et les déshérités , les sudistes et les nordistes , les islamistes et les laics , les démocrates et les dictateurs en puissance.
en ces temps Les intellectuels sont en recul ,ils observent, analysent , critiquent et proposent; mais les tiraillements entre ces pseudo politiciens sont tels que tout ce qui se dit est hérétique , balancé par un effet de manche politique .
Sidérés ils se terrent dans leur silence et laissent la place au règne de la bêtise incarnée par un ensemble ignares,enfermés dans leur vérité , prêchant la bonne parole du haut de leur tribune et qui de surcroit se prennent pour des érudits.
Ces agissements jettent le scepticisme et le doute dans les esprits d'un peuple dont le ressentiment de trahison est à son paroxysme.
ENNAHDHA , NIDA et les autres, le peuple vous observe avec effroi , votre crédibilité se vend aujourd'hui aux enchères publiques au plus offrant , autant dire à vil prix.
Politiciens de tous partis , saisissez vous , ne jouez plus à la roulette russe , votre discours est désuet il ne prend plus , vos agissements et vos tergiversations vous mènent à l'abime , le peuple, en toute conscience, vous a déjà honni.
le savez vous ?

adel
| 21-09-2016 15:02
La loi est plus chère que de l'or. Elle se vend au milligramme. C'est pourquoi elle est inabordable dans ce pays.

ftouh
| 20-09-2016 17:26
Bravo Nizar,
Si on enleve la seance unique. on risque de poser la question aux deputes : A combien s'achete la tonne de lois?

Rationnel
| 20-09-2016 14:44
Un excellent article et la conclusion est une bonne description du régime : "A ce niveau hiérarchique de l'Etat, l'Assemblée en l'occurrence, la corruption n'est plus seulement endémique dans le pays, elle devient institutionnelle"

La situation s'aggrave, l'assemblée ne fait qu'approuver de nouveau prêts, la saleté s'accumule et les problèmes ne trouvent pas de solutions. Apres cinq annees de nouveau régime on ne peut pas trouver un seul projet ou succès aux gouvernements successifs.

Il ne faut pas s'attendre a des solutions d'un régime corrompu, le régime n'est fait que pour procurer des avantages à ces serviteurs. Le seul salut c'est l'autonomie locale et personnelle.

MFH
| 19-09-2016 22:50
La corruption existait sous Zaba en quantité modérée, puis à prolifèré sous la troïka pour devenir incontrôlable sous BCE.
Que vaaut la liberté et que vaut la démocratie lorsque la corruption domine tous les rapports ? Y a-t-il un dictateur pour redresser la barre ?