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A vos popcorns, la guerre Attessia – El Hiwar Ettounsi a commencé !
Par Nizar Bahloul
27/05/2019 | 15:59
7 min
A vos popcorns, la guerre Attessia – El Hiwar Ettounsi a commencé !

Passe d’armes ce week-end entre Sami El Fehri et Omar Jenayah, respectivement, patrons de l’ombre des chaînes TV El Hiwar Ettounsi et Attessia. Le premier a annoncé qu’il envisage d’acheter 49% des parts de la chaîne où le second possède 51% des parts. Il devrait les acheter auprès de Ridha Charfeddine, brillant homme d’affaires, député très absentéiste de Nidaa et président moyen de l’un des prestigieux clubs sportifs du pays présidé, un bon bout de temps et brillamment, par Othman Jenayah, père de Omar. 

La passe d’armes en question commence par un post Facebook provocateur et trompeur de Sami El Fehri. Il aurait obtenu l’accord de principe de la part de Ridha Charfeddine pour le rachat de 49% d’Attessia. Un post auquel répond (sans signer) Omar Jenayah par un communiqué officiel mesquin et tout aussi trompeur.

Provocateur Sami El Fehri l’a toujours été. En choisissant ce timing pour parler d’une importante transaction, en plein mois de ramadan (où l’on enregistre le plus grand volume de commandes publicitaires) et à quelques mois d’élections majeures et décisives dans le pays, Sami El Fehri sait ce qu’il fait. Quant à ses tromperies, il sait que ce qu’il envisage de faire est contraire à la loi et qu’il ne peut absolument rien signer avec Ridha Charfeddine sans que Omar Jenayah ne donne son aval.

 

Aux provocations en deux lignes de Sami El Fehri, Omar Jenayeh est tombé des deux pieds en répondant par un communiqué « à deux balles ». Il se cache derrière l’anonymat, il parle de tout et de rien, il mélange les torchons et les serviettes en évoquant une fois un aspect légal strictement lié au conseil d’administration, une autre fois un aspect commercial et une autre fois un aspect lié à la production, l’animation et l’audimat. Pire, lui nouveau venu dans le secteur, il tombe carrément dans la bassesse en donnant des leçons à un vieux renard de la télé et en insinuant que Sami El Fehri est un drogué victime de divagations.

Pour ce qui est des tromperies, Omar Jenayah sait que Ridha Charfeddine a encore un pied dans la chaîne, puisque le différend les opposant est encore devant les tribunaux. Il ne trompe personne quand il dit que M. Charfeddine a vendu ses parts à Attessia depuis 2014, alors que la chaîne n’a obtenu sa licence de la Haica que le 21 décembre 2015. Mieux encore, d’après deux PV du CA et d’une AGE en mars 2015 de la société V Productions (détentrice de la marque Attessia), il s’avère que M. Ridha Charfeddine est possesseur de quelque 93,95% des actions de la société contre 3,45% pour une Sicaf de Jenayah et 2,59% pour le promoteur du projet Moez Ben Gharbia. Ces pourcentages ont bien changé depuis, mais le communiqué n'avait quand même pas à parler de  2014 !

En réalité, Omar Jenayah n'est pas vraiment homme de l'ombre, ni une marionnette. C'est un secret de Polichinelle que de dire que c'est lui l'homme fort et cofondateur de la chaîne, mais une telle passe d'armes en public et un tel communiqué ne le rehaussent pas, car il tombe dans le piège de son vis-à-vis.

 

Le fond du sujet n’est cependant pas les provocations de Sami El Fehri et les réponses de Omar Jenayah. Les provocations de Sami El Fehri ne sont pas aussi trompeuses que cela et avant de parler du rachat d’Attessia, il a déjà préparé son plan. Pour ce qui est de la loi, Sami El Fehri est un as pour la contourner en toute légalité. Pour ce qui est de Omar Jenayah, il sait qu’il est face à un homme d’affaires avisé qu’il pense pouvoir rapidement convaincre en présentant un business plan juteux. Sauf que M. Jenayah n'est pas réputé pour être un enfant de choeur.

Le fond du sujet est cette opacité qui caractérise nos médias quand il s’agit de leurs propriétaires réels et ces paravents mis pour contourner la loi. Ce n’est ni de la curiosité, et encore moins du voyeurisme, que de demander à nos médias de dévoiler les noms de leurs propriétaires et de se conformer strictement à la loi, sans user de stratagèmes, car il y va de la survie de notre démocratie naissante. Et quand on connait les noms réels des propriétaires et que l’on constate qu’il y a abus et contournement de la loi, il faudrait sévir, car il y va de la survie de notre démocratie. Pourquoi ? Parce que les médias sont un pilier incontournable de cette démocratie. Il n’y a point de démocratie sans médias viables.  

La Haute autorité indépendante pour la communication audiovisuelle (Haica) a, à maintes reprises, rappelé et sensibilisé les autorités sur ce point. Elle reste presque seule, hélas, à le faire avec les représentants syndicaux  de la profession (SNJT et FTDJ).  

 

Le grand public et les autorités sont en droit de savoir qui possède quoi dans les médias. En l’état actuel de la situation, il est regrettable de constater que les propriétaires réels et majoritaires dans les médias tunisiens se comptent sur les doigts d’une seule main. A l’exception des médias publics et confisqués, qui de vous connait les propriétaires réels et qui se cache derrière telle radio ou telle télé ? Tel magazine ou tel journal ? Parce que nous appelons tout le temps à la transparence, Business News, a commencé par son propre cas en mettant publiquement l’identité de ses actionnaires de référence (dans la rubrique « qui sommes-nous » en ligne depuis la création du journal) et a informé ses lecteurs de tout changement majeur de son actionnariat. C’est la déontologie de la profession qui l’exige au vu de l’étroit lien qui existe entre cette déontologie et la survie de la démocratie.

Dans l’ancien code de la presse (créé sous une dictature), on exigeait carrément la publication des états financiers des journaux. Dans le nouveau code de la presse (décret-loi 115 créé sous la révolution), on a exclu ce point fondamental lié à la transparence. Dans le décret-loi 116 relatif à l’audio-visuel et dans le cahier des charges émis par la Haica, on exige bien que l’on fournisse l’identité des actionnaires et on interdit bien l’usage de prête-noms, mais on n’exige pas la publication de l’identité de ces actionnaires et on ne prévoit rien quand il y a usage de prête-noms devant des personnes influentes ?

 

Officiellement, Ridha Charfeddine n’existe pas dans le capital d’Attessia et pourtant c’est bien de lui qu’on a parlé, avec les Jenayah et Moez Ben Gharbia, quand cette chaîne fut créée. Or en sa qualité de député et dirigeant de Nidaa, il n’a tout simplement pas le droit d’être actionnaire dans un média.

Nébil Karoui, nouveau candidat à la présidentielle, ne figure officiellement pas dans le conseil d’administration de Nessma TV.

Le directeur officiel de la chaîne Attessia n’est pas Omar Jenayah, mais Wael Rjiba.

Sami El Fehri, non plus, n’est pas le directeur d’El Hiwar Ettounsi, mais son épouse Asma Ben Jemîi El Fehri.

Sami Essid est officiellement le patron de Zitouna TV. Or cette chaîne n’a pas de recettes publicitaires ou de revenus financiers connus depuis sa création en 2011. Comment vit-elle ? A partir de quels fonds ? Qui se cache derrière M. Essid ? Personne ne le sait !  

L’ancien directeur de la chaîne publique, Canal 21, Zouheir Gombri est l’actuel directeur de la chaîne privée Hannibal TV. Sauf que personne ne sait qui est derrière lui et quel est l’actionnariat de cette chaîne autrefois fondée par Larbi Nasra, même pas la Haica !

Qui dans le milieu des médias connait Frej Gribâa ou Lassâad Khedher, venus de nulle part et avec on ne sait quels moyens (et d’où) pour diriger respectivement M Tunisia et Carthage + ?

Ces questions sont également valables pour l’identité des patrons de radios et de journaux écrits (imprimés et électroniques) et il est impératif que les autorités, le grand public et les hommes politiques exigent et obtiennent des réponses.

 

Nous sommes à la veille d’élections et leur succès est impératif pour notre démocratie. Or le succès d’une élection ne se fait pas uniquement le jour du vote en veillant à ce qu’il n’y ait pas de triche et de bourrage d’urnes, il se prépare bien avant. La position des médias dans ces élections est fondamentale.

Les législateurs « illuminés » qui nous ont pondu une Constitution contradictoire et un code électoral en 2014 ont exigé la neutralité des médias lors de la campagne et l’interdiction formelle de toute publicité politique dedans.

Or, dans les faits, ce code est inéquitable, anachronique et très facilement contournable. Inéquitable puisqu’on permet à de grands partis de posséder leurs propres médias et qu’on interdit aux petits une simple page de publicité. Anachronique, parce que les médias, dans un bon nombre de pays, choisissent  ouvertement un candidat ou un parti à soutenir lors des élections, notamment ceux de la presse écrite. Seule exigence (morale), la transparence vis-à-vis de leurs lecteurs/auditeurs/téléspectateurs. Contournable, on voit bien que certains médias sont au service exclusif du parti islamiste Ennahdha, mais personne ne peut le prouver.

 

De l’argent sale et de l’argent politique dans les médias, la majorité des politiciens en parlent, mais personne ne peut le prouver. Pire, ceux qui en parlent le plus sont les premiers à aller courir soutenir telle ou autre chaîne suspecte ou ayant subi les affres de la Haica.

En veillant à moderniser le code de la presse et les articles du code électoral relatifs aux médias et en exigeant la transparence requise tout en prévoyant les méthodes pour sévir quand il y a infraction et contournement de la loi, on protègera nos électeurs des manipulations grotesques et notre démocratie de la dérive.

Par Nizar Bahloul
27/05/2019 | 15:59
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Commentaires (6)

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TunisiaFirst
| 29-05-2019 12:20
Personnellement je rejette Ennahdha et le le Nida dos à dos... Que des vautours assoiffés de pouvoirs et d'argent avant tout et après tout... Mais quand vous évoquez certains médias au service exclusif du parti islamiste Ennahdha, pourriez vous nous donner un chiffre svp ? Ensuite pourriez-vous SURTOUT nous donner une idée sur le nombre de médias au service exclusif d'autres partis et notamment le Nida ? Nous savons tous qu'ils sont maintes fois plus nombreux ! Pourquoi vous n'en parlez pas ? Vous oubliez donc que cela trahi à l'instant vos couleurs. Arrêtez de prendre vos lecteurs pour des imbéciles, s'il vous plaît. Car nous en avons assez de vos manipulations.

lechef
| 28-05-2019 01:05
C'est vrai , après avoir présenté ces détails, le fait de se mêler et de s'immiscer à ces problèmes et provocations réversibles entre El Fehri et Omar Jnayeh - jusque là inconnu - semble émaner des profanes .
D'ailleurs, nous avons constaté quelques animateurs de ettassia qui défendent bec et ongles leurs '" appareils " en recourant à des termes déplacés tels que 'sourfag" ou des caricatures sans sens et en réalité ils semblent totalement déconnecté.
Donc, cet article dévoilé une partie de la réalité et surtout ce charabia entre la réalité et le fictif .

Tunisien Majeur
| 27-05-2019 22:47
Nous constatons de jour en jour que tout est pourri en Tunisie, y compris les médias
Bien que les lois , décrets et Règlements sont plus nombreux que la population !
Face à cette Anarchie et conflits d'intérêts ayant entraîne le pays au gouffre, deux
Options restent pour arracher notre pays du fond de bouteille :
1. La société civile et les cadres libéraux et ou démocrates s'alignent pour sauver
Ce qui reste, en usant de leurs forces et de leurs Nationalisme
2. L'armée est aussi capable de remettre les pendules à l'heure

Mamout
| 27-05-2019 20:59
Merci Si Nizar d'avoir enfin abordé la pourriture qui reigne dans ce Paysage Audiovisuel Tunisien qui ressemble plus à un dépotoir puant dont les gardiens se trouvent à la Casbah, à Carthage et quelques ambassades... Alors ce n'est pas de pop corn dont nous avons besoin, mais plutôt de couleuvres que nous n'avons cessé d'avaler...

mansour
| 27-05-2019 19:41
pour dominer et diriger l'opinion public en faveur ou hostile à des personnalités,courants politiques et de pensées bien précis et ciblés avant et après les élections

TATA
| 27-05-2019 19:41
Existe-t-il un réel dégoût de la Tunisie? Si oui, d'où vient-il?

Oui, je sens un dégoût d'être Tunisien après avoir lu l'article ci-dessus! Des nuls qui se prennent pour la grande Intelligence!

voilà ce qui nous reste:
Renaud -- Dés que le vent soufflera:
https://www.youtube.com/watch?v=hWtugydBz-Y