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58 ans après, Sakiet Sidi Youssef veut plus que des festivités
08/02/2016 | 19:58
5 min
58 ans après, Sakiet Sidi Youssef veut plus que des festivités

 

Il y a 58 ans, un certain 8 février 1958, Sakiet Sidi Youssef, village frontalier entre la Tunisie et l’Algérie, subissait une véritable boucherie perpétrée par l’armée de colonisation française qui n’avait pas hésité à frapper aveuglément les populations.

 

 

Depuis, et le 8 février de chaque année, officiels tunisiens et algériens se retrouvent à Sakiet Sidi Youssef pour commémorer ce fait d’histoire qui avait changé toute la donne en Tunisie, en Algérie et, même en France.

 

 

Un petit rappel de ce qui s’est passé, ce jour-là et de ses conséquences n’est pas de trop. Le 8 février, l'armée française, sous prétexte qu'un avion, touché par une mitrailleuse postée à Sakiet Sidi Youssef, décide un bombardement massif contre la petite localité frontalière tunisienne.

Avec, juste un accord verbal du ministre français de la Défense et sans en informer le président du Conseil français à l’époque, Félix Gaillard, onze bombardiers A-26, six chasseurs-bombardiers Corsair et huit chasseurs Mistral6 déversaient un déluge de feu sur le village détruisant la mine de plomb désaffectée, deux camions de la Croix-Rouge et, surtout, l'école du village remplie d'enfants en cette matinée.

Le bilan s’établissait à près de 80 morts et 150 blessés, dont des élèves et des réfugiés algériens regroupés par une mission de la Croix-Rouge.

 

 

L’on se rappelle l’adresse faite par le président et leader Habib Bourguiba au peuple tunisien l’incitant à la résistance, mais aussi à la tolérance envers les civils français, tout en lui promettant une évacuation prochaine de tous les soldats français à travers une action politique menée auprès de l’Organisation des Nations Unies.

 

Plus concrètement et dans des gestes destinés à apaiser la colère des citoyens, la Tunisie expulsait cinq consuls français exerçant dans les principales villes du pays, organisait le blocus des casernes françaises et mettait sur pied une visite guidée du village par la presse étrangère. Le conflit prenait ainsi une tournure internationale puisque, la Tunisie portant également plainte auprès de l'ONU, le Conseil de sécurité décidait une mission de bons offices anglo-américaine.

 

Plus encore, la crise touchait de plein fouet la France à tel point que la voie était ouverte au retour du général de Gaulle au pouvoir, le 17 juin de la même année tout en imposant un accord entre les deux pays stipulant l'évacuation de toutes les troupes françaises du territoire tunisien à l'exception de Bizerte.

 

 

Pour revenir aux diverses cérémonies de commémoration de cette année, il est à souligner qu’elles ont été marquées par des nouveautés et par des effets d’annonce, ce qui leur confère un cachet spécial rompant avec les traditionnelles retrouvailles protocolaires dont on ne parlera plus, une fois achevées.

 

En effet les activités de commémoration du 58ème anniversaire des évènements de Sakiet Sidi Youssef, ont démarré depuis le 2 février 2016 et se sont poursuivies jusqu’à aujourd’hui lundi 8 février avec, notamment, des programmes culturels et artistiques variés impliquant des artistes tunisiens et algériens du monde de la musique, du théâtre et de la peinture.

Une tournée de deux caravanes de santé au profit des habitants des localités de Kharrouba et Forchane dans la délégation d’Essakia ont été de la partie, en plus d’un colloque pour discuter de la crise dans le monde arabe et les moyens de répondre aux difficultés rencontrées en exposant l’expérience tuniso-algérienne et la coopération bilatérale dans différents domaines.

 

 

Côté officiel, le ministre tunisien de l’Intérieur, Hédi Majdoub et son homologue algérien, ont assuré l’existence d’un suivi et d’une coordination commune pour la mise en exécution des accords et des décisions qui ont résulté de la réunion de la Haute Commission tuniso-algérienne qui a eu lieu en Algérie.

A ce propos, le ministre tunisien a révélé que les relations unissant les deux pays sont au-delà de simples relations diplomatiques, mais s'élèvent au rang de la véritable fraternité.

« Nous voulons mettre une assise de coopération qui restera de mise en tout temps. Cette assise sera au même niveau que les relations fraternelles  unissant la Tunisie et l’Algérie. Des relations qui n’ont plus besoin d’être prouvées. Tant ce qui touche un pays, touche l’autre. Et tant la sécurité d’un pays est tributaire de la sécuritaire de son pays frère et ami».

 

Le ministre algérien de l’Intérieur et des collectivités locales, Noureddine Bedoui a, de son côté, annoncé la tenue d’une commission mixte pour le développement de la bande frontalière. Celle-ci va se réunir durant les semaines à venir.

Il a également annoncé que la décision de fournir la région de Sakiet Sidi Youssef en gaz naturel, sera activée très prochainement. Et ce, en guise de contribution effective et concrète de l’Algérie à l’œuvre de développement des régions frontalières tunisiennes.

 

 

D’autre part  et conjoncture sociale oblige en Tunisie, un groupe de chômeurs diplômés a observé, aujourd’hui même un sit-in à la région de Sakiet Sidi Youssef au Kef. Les sit-inneurs menacent d’escalade si le gouvernement ne répond pas à leurs revendications pour l’emploi.

A ce propos, les protestataires, ont révélé que les choses risquent de se corser davantage s’ils ne trouvent pas de réponses favorables, urgentes et immédiates à leurs demandes.

 

 « Nous considérons Sakiet Sidi Youssef comme une région prioritaire. Elle jouit de plein de spécificités dont son emplacement. Il s’agit d’une région frontalière munie d’un grand passage. Depuis la révolution, les diplômés parmi les natifs de la région, n’ont pas bénéficié du moindre changement. Nous enregistrons un manque flagrant en cadres dans les administrations du pays. Nous avons des personnes qualifiées qui sont aptes à travailler mais le gouvernement ne nous consacre aucune considération », affirment-ils.

Les mêmes protestataires estiment que c’est bien d’organiser des festivités dans la mesure où l’on commémore une bonne cause, mais ils jugent qu’ils ont besoin de bien plus que de fêtes. « L’Etat doit penser à des solutions urgentes et immédiates. On ne veut pas des solutions provisoires mais de celles à long terme », clament –ils.

 

 

C’est dire qu’étant donné le nouveau contexte en Tunisie et étant donné les derniers mouvements sociaux enregistrés à travers tout le pays, plus particulièrement dans les régions du Nord-ouest, cette commémoration prend de nouvelles allures et constitue une opportunité pour mieux exprimer les aspirations et les attentes de ces zones pour une vie plus digne en assurant à leurs populations emploi, dignité et développement.

 

Sarra HLAOUI

08/02/2016 | 19:58
5 min
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Commentaires (7)

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Tounsi Blid
| 14-02-2016 17:16
Il existait une véritable solidarité entre les paysans et les fellagas tunisiens (frères lassouad )qui avaient pris les armes pour soutenir leurs frères du FLN
Bourguiba les laissait faire car il voulait pousser les français à libérer Bizerte...il n,hésitait pas à parler d,une communauté de destin...
C'est ce sentiment que les Politiques de nos deux pays devraient s,attacher à développer.car le gaz et le pétrole ne suffit pas pour se développer...
Il faudrait. Que l Algérie investisse en Tunisie comme le font la France l Allemagne ou l Italie ..,.

Tounsi Blid
| 14-02-2016 13:34
ce que l' on m' a appris sur les bancs
de l' Education nationale Française...

Indépendante depuis le 20 mars 1956 , la Tunisie a à sa tête Habib Bourguiba un indépendantiste modéré (devenu pro- français du fait du soutien français contre Ben youssef le nationaliste révolutionnaire ).
la réalité c'est que l' Etat major Français avait déjà pris conscience de la dangerosité du mouvement nationaliste Algérien et sachant
qu' en tunisie il yavait rien à gagner à part des cailloux et des mendiants.
ils ont mis au pouvoir un " dirigeant"
à leurs bottes pour pouvoir se concentrer sur la rébellion Algérienne.
( il fallait absolument le faire pour garder le pétrole et le Gaz nécessaire au développement industriel et économique du pays )
il se trouve que le FLN Faisait des aller- venus entre les frontières algériennes et tunisiennes venant
s' approvisionner et s'équiper bongré malgré ( l' assentiment des habitants locaux. )
Le village de sidi sakiet " recevait " ce jour là- la visite de combattants FLN-difficiles à neutraliser!
la France a alors délibéremment choisi de raser le village pour les anéantir et punir le peuple et l' Etat Tunisien de sa docilité vis à vis de leurs collègues algériens !
Le Bilan annonçé par Le pouvoir Tunisien à étè " sous estimé " et rabaisser de peur que la population ne se " désintéresse " du leader.
il en fera de même lors de " la crise de Bizerte " en 1961

EL OUAFY avec Y à la fin
| 09-02-2016 14:13
Cet incident est inadmissible par ceux ce qui ont vécues sous les bombardements terribles malgré qu'il s'agit que d'une journée mais il y a des cas dans la région qui durée une décennie(l'opération Dragon et occovignon )
inédite ou les tributs frontalières se trouvaient otage face à face à deux pays L'Espagne et La France et ses drames non commémoré par l'ignorance qui pesait sur la région .

nora
| 09-02-2016 14:00
il faut évoquer un carnage dans ce village dont le colonisateur s'en est donné à coeur joie pour massacrer des innocents.
La commémoration doit être nationale et doit s'inscrire dans la mémoire et l'histoire de notre pays.

On parle de festivité alors qu'il s'agit de ne pas oublier la mémoire de ces personnes de tout âge dont la plupart étaient des petits enfants abattus lâchement.

La France a-t-elle payé pour ce crime et les familles où en sont-elles des indemnisations ?

Il y aura toujours des perturbateurs qui mettront tout en place pour faire d'un crime une festivité et profiter de la crise et du chômage pour attirer l'attention des gens vers autre chose pour revendiquer et perturber le climat social.
Cette commémoration doit s'inscrire dans le temps et être célébrée le 8 février de chaque année et les 364 autres jours serviront pour les festivités et les revendications.
Disons merci à ces artistes venus distraire et faire oublier la mémoire de nos morts algériens et tunisiens.
C'est tout simplement honteux, car certaines familles ont encore le coeur qui saigne et qui n'est pas à la fête !

Quant à ces régions, il faut arrêter de les marginaliser car elles sont parties intégrantes du territoire tunisien.
A croire que le fait de les marginaliser, de les oublier sur le bord de la route doit servir les intérêts des uns et des autres pour s'en servir quand on a besoin d' "allumer le feu" dans un climat social ou rien ne va..??

Paix à l'âme de chacun de ces êtres lâchement abattus que JAMAIS NOUS N'OUBLIERONS !

rzouga
| 09-02-2016 10:09
Je me rappelle de ce jour de 1958, tout petit écolier où il y eu ce bombardement sauvage sur le marché de sakiet sidi youssef; cela fait presque 60 ans déjà et on continue de commémorer cet événement dans l'indifférence générale des 2 côtés de la frontière d'ailleurs, sans voir cette solidarité, dont on rabâche les oreilles depuis des décennies, se concrétiser par des projets communs; puisque la génération de l'indépendance a disparu et la nouvelle génération est arrivée avec ses nouveaux repaires; ce qui les préoccupe c'est un boulot, un foyer et une vie digne et non des commémorations sans conséquences évidentes pour eux;

mizaanoun
| 08-02-2016 22:26
Un authentique,terrible, triste et dur témoignage sur les réalités dans tout le pays.

À part quelques zones résidentielles réservées à nos milliardaires, quelques bâtiments dans certaines villes destinés pour les bureaux des multinationales et subsidiairement à la très mince frange de la bourgeoisie, les infrastructures qui relient tout cet ensemble comme routes et voies de communications diverses et enfin les supermarchés qui semblent importés directement de New York ou de n'importe quelle autre diabolique ville des mêmes lieux, tout le reste du pays se trouve exactement en noir et blanc tel qu'on le voit sur cette photo.

Et dire que « monsieur le président de la république » soit toujours saisi de la nostalgie de cette époque au point qu'il ne cesse de s'entourer des tous les « irresponsables » auteurs et façonneurs de la Tunisie actuelle en noir et blanc. Enfin il ne laissera derrière lui que les décombres et les mêmes tristes réalités. Ou est-ce qu'on peut faire des milliardaires autrement ?

Luca
| 08-02-2016 20:39
Votre explication des évènements de Sakiet et incomplète, il aurait fallu expliquer les vrais raisons de l'intervention de l'armée française et le bombardement du village.