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100 personnalités publiques adressent une lettre ouverte au président du CSM
07/11/2017 | 16:34
7 min
100 personnalités publiques adressent une lettre ouverte au président du CSM

 

Une conférence de presse a été organisée ce mardi 7 novembre 2017 à la salle de cinéma le Rio à Tunis, par un groupe de personnalités publiques et de militants de la société civile inquiets de la situation de la justice en Tunisie. Des agriculteurs, des cinéastes, des journalistes, des médecins et des juristes ont exprimé leurs inquiétudes vis-à-vis de l’indépendance de la justice ainsi que les atteintes aux droits des justiciables. 

 

Une délégation s’est par la suite rendue au tribunal administratif de Tunis pour y déposer une lettre ouverte adressée au président du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), Hatem Ben Khlifa, signée par 100 personnes. Cette délégation était représentée par la militante au sein du parti Al Massar, Nadia Chaâbane et par le militant et syndicaliste, Salah Zeghidi. Selon le communiqué l’échange avec Hatem Ben Khlifa a duré une heure et a été« positif et fructueux ».

 

Voici la lettre dans son intégralité ainsi que les noms des 100 signataires :

 

LETTRE OUVERTE AU CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE ET A TOUS LES MAGISTRATS

                               

Mesdames et Messieurs les juges

Dans la bataille pour la nouvelle Constitution, nous étions nombreux à nous mobiliser, à l’intérieur de l’Assemblée comme à l’extérieur, pour que vous bénéficiez de votre indépendance dans l’exercice de votre mission et pour mette fin à l’instrumentalisation de la justice et sa mise sous tutelle par l’exécutif. Le bras de fer a duré plusieurs mois et, ensemble, nous avons fini par «imposer » à la majorité de l’époque qui vous refusait cette qualité, une Constitution qui garantit votre indépendance et permet l’édification d’un État de droit dont vous devez être les garants.

 

Depuis, et bien que la nouvelle Constitution vous donne les moyens de cette indépendance, l'évolution des choses a été pour le moins inquiétante, et le Tunisien se pose de plus en plus de questions à propos de l'indépendance de la Justice. Les dysfonctionnements et les dérives sont devenus nombreux et de plus en plus dénoncés par les médias et sur les réseaux sociaux.

 

Quand des crimes politiques sont commis, il n'est pas acceptable que 56 mois après, les coupables n’aient pas été sanctionnés. Quand les atteintes aux droits de la défense se multiplient d’une manière aussi criante comme dans certaines affaires récentes, quand les citoyens expriment désormais des craintes de passer devant un tribunal de peur d’être victimes de ces dysfonctionnements et de ces dérives, il n’est pas étonnant que le citoyen tunisien n’ait plus confiance en la justice et se sente abandonné par les juges.

 

Vous qui êtes les garants des libertés individuelles et de l’égalité devant l’application de la loi, êtes, pour une bonne partie du corps de la magistrature est,désormais,accusée de prendre des libertés avec l’application des lois, de faire preuve de corporatisme, d’instrumentalisation del’institution et  d’être de collusion avec certains intérêts politiques et partisans.

 

S’il est certain que votre rôle est irremplaçable dans la défense des droits et libertés individuelles et dans la protection des citoyens contre toute atteinte aux libertés, agressions ou manipulations, y compris celles émanant des autorités, notamment policières, nous estimons que vous devez éviter d’apparaître comme vous n’avez en aucun cas à être le bras judiciaire de la police, vous devez être, pour tout citoyen,  le bras du droit et des libertés des citoyens que la Constitution de 2014 a consacrés et renforcés. 

 

En vous interpelant aujourd’hui, nous voulons vous rappeler que la Constitution du 26 janvier 2014 consacre dans son article 108 le droit à un procès équitable en disposant : « Toute personne a droit à un procès équitable dans un délai raisonnable. Les justiciables sont égaux devant la justice… ». Consacrer ce droit dans votre pratique quotidienne est de votre responsabilité et de votre devoir.

 

Nous voulons aussi vous rappeler que le rôle des magistrats est de sanctionner au nom de la loi toute violation des libertés et des droits, quel que soit l'auteur de cette violation et que le pouvoir d’appréciation dont vous disposez ne peut être au-dessus des lois et de la Constitution. Nous ne voulons, en effet, ni de "gouvernement des juges", ni, - encore moins- de "gouvernement de policiers". C'est en toute indépendance que vous devez juger, dans la sérénité et loin de tout calcul corporatiste, de tout enjeu politique ou partisan car, dans un état de droit, la justice est indépendante ou elle n’est pas. Dans la République civile et démocratique que nous voulons bâtir, il n’y a pas place pour une Justice partisane. Par-delà la «pénurie persistante des moyens matériels et humains» souvent évoquée, permettez-nous de vous dire que l’indépendance et l’impartialité ne dépendent pas des moyens matériels de la justice. C’est une question de volonté, de courage et de responsabilité.

 

Nous voulons enfin vous dire, Mesdames et Messieurs les magistrats, que, pour rendre la justice « au nom du peuple tunisien », il faut avoir sa confiance, que cette confiance est sérieusement entamée aujourd’hui et qu’il ne tient qu’à vous de gagner cette confiance. Il y va de l’intérêt suprême du pays et de l’Etat de droit.

 

Liste des 100 signataires de la lettre


Jrad Neyla (Enseignante) / Bergaoui Aida (Ingénieur) / Ammar Samia (Editrice retraitée) / Ben Amar Nihel (Universitaire) / Gmir Raja  (Universitaire) / Smida Mohamed  (Juriste) / Ben Abdallah Haifa (Consultante) / Chaabane Nadia (Constituante / militante politique) / Zeghidi Salah (Cadre sup de banque retraité / militant politique ) / Belkhiria Amel (Pharmacienne) / Lakhal  Mourad (Enseignant) Hamda Zakia (Productrice Artistique) / Hammi Houssem ( Cadre) / Abdelkefi       Feten (Militante Culturelle)  / Hammami Inès(Maître de conférences) / Oueslati Jihène ( Consultante) / Charni  Zeineb  (Professeur Universitaire) / Ben Cherif                Khalil (Consultant) /  Farhat  Zeyneb (Directrice de Théatre)  /  Jebali Taoufik  (Homme de Théatre) / Aleya Sghaier Amira  (Professeur Universitaire, Historien Universitaire / Ecrivain) /  Bardaoui Wahida   (Retraitée Directrice Banque) /  Limam Jinan  (Universitaire) /  Nigrou  Kais (Chirurgien) / Kerrou Mohamed (Universitaire/ Sociologue/ Ecrivain) /  Letaief Brahim ( Cinéaste)  /  Farhat Youssef (Agriculteur)  / Rammeh Chekra (Actrice)  /  Skandrani  Nawel (Chorégraphe) /  Rebai Yomna  (Enseignant-Chercheur à l'Ecole Polytechnique de Tunisie)  /  Mejri Faiza (Journaliste, Présidente de Pontes Tunisie)  / Boujemaa Hind (Cinéaste)  /  Ben Sassi Sami  (Médecin)  /  Ben Haj Yahia Fathi                (Enseignant / Auteur) / Sekik Nozha ( Chercheuse retraitée)   /  Ben Miled Hatem (Cinéaste)  /  Jeddi Essedik (Professeur en Psychiatrie)  / Hajri  Salma (Membre de l'association Tawhida Ben Cheikh)  /  Grami Amel ( Professeur universitaire) / Bel Hédi  Habib  (Producteur)  /  Chapoutot Remadi       Mounira (Universitaire)   /   Ferjani Cherif  (Universitaire)   /   Ltifi Adel  (Historien)  /  Hamadi Lotfi  (Fondateur de l'organisation "Wallah We Can")  / Mabrouk Selma (Constituante, Médecin)  /   Baccar Selma (Constituante / Cinéaste)  /  Souid Karima (Constituante)    /  Ben Achour Abdelkefi Rabâa (Ecrivaine)  /  Ben Slama Raja (Universitaire)  /  Turki Zeineb (Médecin / militante politique)  /  Skik Hichem (Universitaire)   /   Sellami Mahsouna (Universitaire)  /  Mellakh Habib (Universitaire)  /  Guellaty Moncef   (Editeur) / Belhaj Zekri Radhia (Enseignante / militante féministe)  /  Marzouki Nafissa Wafa (Constituante)  /  Omezine  Besma (Activiste de la société civile)  /  Chekir            Hafidha ( Professeur de droit / militante associative)  /  Ben Hiba Tarek  (Fonctionnaire / militant associatif de l'immigration)  /  Mizouni Najet     (Professeur de droit public)  /  Ben Sma Mustapha  (Commerçant )  /  Azizi Habib (Universitaire)  /   Miled Mongi  (Ingénieur)   /  Halouani Hafedh  (Chef d'entreprise)  /  Mestiri Saloua  (Enseignante / Poétesse)   /   Ben Guiza Tahar (Universitaire )   /  Gaça  Nejib (Animateur culturel)  /  Zeghidi Mourad  (Journaliste)   /  Fellah Mounir (Producteur culturel)  /  Ben Slimane Moncef  (Universitaire)  /  Abdeljawed  Hela  (Médecin)  /  Ben Ammar Radhia (Gérante espace Culturel)  /  Mechri Allagui Balkis  (Enseignante)   /  Hamza Nabila   (Communicatrice)  /  Ben Mustapha Heikel   (Universitaire)   /   Ben Azouz  Nabil  (Enseignant)    /   Hentati  Melika  (Universitaire)  /  Triki  Besma  (Universitaire)  /  Gabous Abdelkarim  (Universitaire / Publiciste)   /  Kafsi Ayadi Rafika  (Médecin)   /  Ezahi BenRomdhane Habiba (Médecin) / Bououny Habib (Instituteur)   /    Kedidi  Hamadi     (Enseignant / Animateur culturel)    /    Guiza    Med Ali  (Cadre sup de banque)   /   Fliss Med Salah   (Employé)   /   Belhaj Ali   Amel     (Journaliste)   /   Khriji Salah (Enseignant)   /   Allagui  Abdelkarim      (Universitaire) / Guiga Saloua (Enseignante)  /  Ounaiès Salem (Universitaire)    /   Khenissi Mohames(Cadre Supérieur)    /   Mahjoub Raouf (Universitaire)    /   Baaboura Noureddine (Juriste)   /   Essafi Nora   (Enseignante)   /   Touibi Slaheddine  (Médecin)    /   Brahmi Naceur (Enseignant)   /   Gharbi Rafika (Cadre bancaire)    /   Cherbib  Mohieddine (Militant associatif de l'immigration )   /  Seddik Youssef (Ecrivain, Philosophe)  /   Belkhodja Abdelaziz (Editeur / Ecrivain)   /  Mosbah Saadia (Cheffe de cabine Tunisair / militante de la société civile) / Ben Chaabane Aida (Professeur de Français)   /  Ellala Mohamed Lakhdhar  (Militant associatif de l'immigration).

 

K.H

 

07/11/2017 | 16:34
7 min
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Commentaires (11)

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Larry
| 09-11-2017 17:25
C'est justifiable...

Calomnie et diffamation (par définition) sont punissables par des faits non avérés (même des sous-entendus) qui ont été publiés.

Aucune fausse information révélée dans ce document dans le fond.... Cela laisse toutefois un doute quant à son interprétation si on veut bien l'analyser mot pour mot. (et encore ?)

Si l'on en arrive à cet extreme dans le pays, nous devenons aussi répressif que la Turquie... et il faudra emprisonner plus de la moitié de la population.

Non lieu :)

DHEJ
| 09-11-2017 14:23
Oh la lettre PUBLIÉE ne porte pas atteinte à la RÉBELLION mais appelle-t-elle à la RÉBELLION contre le pouvoir judiciaire?!

Cette LIBERTE D'EXPRESSION est-elle une DIFFAMATION contre LE POUVOIR JUDICIAIRE article 245 du C.P? ...

Larry
| 09-11-2017 13:11
" Article 121. - Est puni comme s'il avait participé à la rébellion, quiconque l'a provoquée, soit par des discours tenus dans des lieux ou réunions publics, soit par placards, affiches ou écrits imprimés.
Si la rébellion n'a pas eu lieu, le provocateur est puni de l'emprisonnement pendant un an.

cp Article 121 bis. Note - Lorsqu'elles sont faites sciemment, la mise en vente, la distribution ou la reproduction des oeuvres interdites, la publication ou la diffamation sous un titre différent d'une oeuvre interdite, sont punies d'un emprisonnement de seize jours à un an et d'une amende de 60 à 600 dinars.
Le ministère de l'intérieur procède à la saisie administrative des exemplaires et des reproductions des oeuvres interdites.

cp Article 121 ter. Note - Sont interdites, la distribution, la mise en vente, l'exposition aux regards du public et la détention, en vue de la distribution, de la vente, de l'exposition dans un but de propagande, de tracts, bulletins et papillons d'origine étrangère ou non, de nature à nuire à l'ordre public ou aux bonnes moeurs. Toute infraction à l'interdiction édictée par l'alinéa précédent pourra entraîner, outre la saisie immédiate, un emprisonnement de 6 mois à 5 ans et une amende de 120 à 1.200 dinars."

Lettre ouverte ou pétition au regard de la liberté d'expression de surcroit nominative (au CSM) pas au public... qui ne porte pas atteinte ni à la rebellion ni aux bonnes moeurs

Non condamnable !

DHEJ
| 08-11-2017 15:32
Par exemple l'article 121 ter du code pénal...

Larry
| 08-11-2017 09:25
.... C'est quel type de métier exactement ?
Et quelle loi interdit d'écrire au CSM ?

abderrahman
| 07-11-2017 20:20
Tout le monde est responsable, mais personne dans le corps de la magistrature n'est directement visé . C'est pareil au niveau des politiques .... La responsabilité est diffuse et on ne peut demander des comptes à personne . Un coup de gueule légitime ,mais juste un coup de gueule . Sans coercition,il ne se passera rien !

DHEJ
| 07-11-2017 19:58
Cette lettre tombe sous la coupe de loi et que ses auteurs soient poursuivis pour atteinte à l'honneur des juges!


Bref je me dis est-ce des ignares interpellant leurs semblables?


Mais l'appareil judiciaire façonné et imposé par le colonisateur blanc est FOU


Paroles de INGÉNIEUR JUDICIAIRE

momo
| 07-11-2017 18:17
La justice en Tunisie n'est pas indépendante ,il est impossible qu'elle le soit ,avec Ben Ali une partie de la magistrature était à ses bottes ,avec les islamistes une partie plus large est acquise à leurs idéologies. Quelques juges intègres ont du mal à avoir leurs place et exercé leurs métiers avec leurs intimes convictions .
Une justice indépendante dans une démocratie comme la notre ou les citoyens confondent liberté et anarchie, n'est pas souhaitable, l' IVD en est l'exemple le plus catastrophique .
Dans les pays développés la justice dépend du ministre de la justice ,sans que leurs indépendances ne soient pour autant menacées .

Larry
| 07-11-2017 17:35
La seule conclusion à en tirer est que la justice est bien pourrie....
Nous le savions tous et un grand MERCI à cette ouverte et ses signataires

JUSTICE CONNIVENTE ET A MENTALITE FERMEE...
| 07-11-2017 16:55
UNE DEMOCRACIE NE PEUT REUSSIR QU AVEC UNE JUSTICE.....JUSTE, et UNE POLICE DISSUASIVE A SON SERVICE POUR APPLIQUER LA LOI......sinon, faites autres chose....si on ne suit PAS l exemple de la justice et la police AMERICAINE...ON NE FERA RIEN DU TOUT.....